Les langues européennes face à l'écriture
Le français et l'anglais ont une longue histoire avant de devenir les langues de stature internationale que nous connaissons. Le processus qui mène de leur apparition à l'aboutissement de leurs formes actuelles n'est chiffrable ni en années, ni même en décennies, mais en siècles. On se doute donc bien que leur transposition à l'écrit ne s'est pas faite sans peine.
En Angleterre comme en France, les langues vernaculaires (le français et l'anglais) étaient jadis parlées en marge du latin, seul idiome reconnu propre aux usages soutenus et à la transmission du savoir ; pour cette raison, c'était aussi le seul à être écrit.
Ce ne fut que lorsque la prononciation du latin vint à se modifier suffisamment (au point que les individus parlant « latin » dans les différentes régions de la Romania ne pussent plus se comprendre) que l'on commença à reconnaître une certaine autonomie aux langues « vulgaires » qui allaient devenir le français, l'italien, l'espagnol, etc.
En 842, les Serments de Strasbourg[1], premier document rédigé en français, marquent une étape significative dans l'histoire de l'idiome, car on reconnaît par là qu'il peut servir dans des domaines antérieurement réservés au seul latin : on entreprend dès lors d'écrire en cette langue.
A l'origine du développement de l'écriture de l'anglais se trouve l'action « politique » et culturelle d'un homme, le Roi Alfred dit Alfred le Grand (871-899). Décidé à faire renaître l'apprentissage en Angleterre, Alfred le Grand entreprit, vers 887, de mettre en place un programme de traduction, du latin vers l'anglais, d'un certain nombre d'ouvrages fondamentaux : « ...we should turn into the language that we can all understand certain books which are the most necessary for all men to know... », écrivait-il dans la préface de l'adaptation d'un ouvrage intitulé Pastoral Care.
Non innocente, cette introduction historique interpelle le lecteur sur le fait qu'à un moment donné de leur histoire, le français et l'anglais ont du affronter les mêmes démons qui hantent à présent les langues créoles. Dépréciées et non encore fixées par l'écrit, les langues européennes étaient en quelque sorte les « créoles » du latin. Les créoles, qui ont entamé leur révolution scripturale, aspirent à des jours meilleurs.