PHONOGRAPHÉMATIQUE CRÉOLE

Écriture étymologique vs écriture phonologique

Dans la mesure où l'écriture est la représentation physique de la pensée et du langage humains, cela implique que pour toutes les langues naturelles, la forme orale a préexisté à la forme écrite : toutes les langues naturelles sont donc nées sous forme orale sans orthographe et étaient parlées avant d'être écrites.

Puisque la forme orale préexiste à la forme écrite, cela implique a priori qu'il n'y a pas de modèle prédéfini d'écriture pour une langue : en ce sens, on dit que la graphie est arbitraire, car il n'y a absolument rien qui justifie qu'un son s'écrive de telle façon plutôt que de telle autre façon. Rien ne justifie par exemple que le son [o] s'écrive toujours ‹ o › en espagnol tandis qu'il peut s'écrire en français tantôt ‹ o › (comme dans « sonner »), ‹ au › (comme dans « Pau »), ‹ aux › (baux), ‹ eau › (beau), ‹ eaux › (beaux), ‹ aut › (faut), ‹ aud › (costaud), ‹ ot › (tarrot), ‹ os › (gros), ‹ ô › (chômage), etc.

Mais s'il n'y a pas de modèle prédéfini, il faut tout de même noter que des langues qui sont proches sur le plan génétique, c'est-à-dire des langues parentes, s'inspirent souvent d'un modèle commun. Par exemple, les différentes langues romanes (dont le français, l'espagnol, l'italien, le portugais...), qui sont issues du latin, se sont inspirées de l'orthographe latine.

S'agissant du créole, on sait qu'il est génétiquement apparenté au français. Du point de vue historique, les premières tentatives d'écrire le créole furent ainsi directement inspirées du français : c'est ce que l'on nomme l'écriture étymologique, écriture par laquelle on se réfère à l'étymon français d'un mot créole pour en reproduire la graphie. L'écriture étymologique introduisait de fait en créole le principe de la plurivocité, car un même son aurait en créole autant de réalisations graphiques qu'il en avait en français.

Ce n'est que vers le milieu du vingtième siècle que la conception de l'écriture créole change radicalement, lorsque l'on introduit le principe de l'écriture phonologique. Par opposition à l'écriture étymologique, l'écriture phonologique est fondée sur le principe de la biunivocité : un son = un graphème. En d'autres termes, un même son est toujours représenté par une même lettre (monographe) ou un même groupe de deux lettres (digraphe), et inversement, un graphème renvoie toujours à un seul et même phonème. Ainsi le phonème [o] est toujours représenté par la lettre ‹ o ›, le phonème  cest toujours représenté par le digraphe ‹ on ›, [u] est toujours noté ‹ ou ›.

L'opposition nette entre l'écriture étymologique et l'écriture phonologique soulève un important paramètre qu'il convient de souligner : l'une et l'autre approche sont idéologiquement orientées en ce que ces deux types d'écritures ont été pensés et conçus pour des publics différents. L'écriture étymologique visait en effet à faciliter l'accès au lecteur français en mimant ses habitudes scripturales, mais risquait dans le même temps de dénaturer le créole en faussant la prononciation lors de la lecture. L'écriture phonologique fut, elle, conçue comme un outil pédagogique qui serait plus facile d'accès pour alphabétiser les créolophones et qui refléterait plus fidèlement la façon dont la langue créole est parlée. Les tableaux ci-après font le récapitulatif des inconvénients et avantages présumés de l'un et l'autre de ces systèmes : il s'agit en réalité plutôt des arguments et contre-arguments des sympathisants de chaque système.

Ecriture étymologique
Ecriture phonologique
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