PHONOGRAPHÉMATIQUE CRÉOLE

Le compromis néo-étymologique

Le débat sur l'orthographe en Haïti fit naître une troisième tendance à mi-chemin entre l'écriture étymologique et l'écriture phonologique : on vit se dessiner, sous l'égide de Pradel Pompilus (un linguiste haïtien) et Paul Berry (un éducateur américain) une orthographe dite néo-étymologique. Inspirée de la graphie ONAAC, cette orthographe néo-étymologique tentait de réconcilier créolophones et francophones en rapprochant, dans le plus grand nombre de cas possibles, la forme écrite des mots créoles de la forme écrite des mots français correspondants. Le principe de la bi-univocité était ainsi abandonné au profit de la reconnaissance de la plurivocité : on accepte alors qu'un même son puisse s'écrire de différentes façons. Par exemple, le son [s] peut s'écrire, dans ce système, « s, ss, sc, c, ç » comme en français. L'orthographe néo-étymologique peut se résumer à trois axes fondateurs :

- pourvoir d'un système simple d'accès le lecteur francophone ;

- faire en sorte qu'un créolophone alphabétisé en créole puisse passer sans difficulté du créole au français à l'écrit ;

- mais dans la mesure où l'orthographe reste avant tout destinée aux créolophones en voie d'alphabétisation, son apprentissage doit rester facile pour ces créolophones.

La graphie néo-étymologique ne connut cependant pas un grand succès. En fin de compte, l'étape la plus importante dans l'histoire de la graphie créole en Haïti fut l'adoption officielle, par le Département de l'Éducation Nationale, le 31 janvier 1980, de la graphie phonologique de l'ONAAC légèrement modifiée, laquelle sera en usage jusqu'à nos jours.

A titre illustratif, voici une même phrase transcrite selon les divers systèmes jusque- là présentés :

transcription

La graphie phonologique a de nos jours été adoptée un peu partout où l'on parle un créole à base lexicale française, mais présente des différences selon les îles. Ainsi la graphie utilisée en Haïti n'est pas tout à fait celle qu'utilisent les scripteurs des Petites Antilles et de la Guyane, elle-même sensiblement différente de la graphie utilisée dans l'océan Indien.

Pour les Petites Antilles, le premier système graphique fut proposé en 1976 par le professeur Jean Bernabé, Directeur du Groupe d'Études et de Recherches en Espace Créolophone (GEREC) : on connaît mieux ce système sous le nom de graphie GEREC. Cette graphie, très largement utilisée dans toutes les Petites Antilles et en Guyane, fit l'objet de quelques modifications mineures en 1981 : elle est aujourd'hui mieux connue sous l'appellation de standard GEREC 1. Ce standard GEREC 1 connut lui-même quelques modifications en 2001 et est plus volontiers évoqué sous le nom de graphie GEREC nouveau standard ou standard GEREC 2. Mais si le standard GEREC 2 est très largement utilisé en Martinique de nos jours, il l'est très peu dans les autres territoires où c'est le standard 1 qui continue à s'appliquer massivement. La graphie GEREC sera donc ci-après explicitée, en prenant soin d'identifier, lorsque cela s'avère nécessaire, les quelques dispositions du Standard 2 qui divergent de celles du standard 1.

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