Bataville ou le crépuscule du paternalisme
Pendant trois quarts de siècle, ce site industriel surprenant au cœur du Pays des Étangs a donné du travail à une main d'œuvre rurale surtout féminine (2 000 dans les années 1950). Il ne s'agit pas seulement d'une usine de chaussures, mais d'une cité autonome avec ses logements ouvriers, sa piscine, ses terrains de sport, son église et même son école. Il s'agit de l'expression tardive du paternalisme d'un des plus grands producteurs de chaussures du monde d'avant-guerre, le tchèque Thomas Bata.
Complément :
L'usine Bata a été installée en 1932 dans un des sites les plus isolés de Lorraine, au milieu des forêts et des grands étangs. Le choix de cet emplacement ne doit pourtant rien au hasard. En effet, le site était remarquablement bien placé sur le canal de la Marne au Rhin que l'on voit clairement dans la partie supérieure de la photographie, avant son entrée dans l'étang de Réchicourt-le-Château. L'usine disposait, on le voit, d'un port particulier. Mais elle jouissait aussi d'un embranchement ferroviaire qui lui donnait accès à la toute proche ligne de Paris à Strasbourg. Cette ligne secondaire existait bien avant l'arrivée de Bata, car elle avait été établie au XIXe siècle pour les besoins des salines de Dieuze. Le fabriquant de chaussures en a profité largement pour le transport de ses marchandises et de ses ouvriers et cela jusqu'en 1986. Elle a disparu, mais sa trace est encore visible dans le paysage sous la forme d'une grande diagonale rectiligne qui traverse la photo dans le tiers inférieur droit.
Photographie : A. Humbert - Commentaire : A. Humbert