Quelques premiers résultats
En croisant la chronologie des dynamiques du paysage éditorial de la presse mathématique en France, celle de l'histoire de l'enseignement au 19e siècle (réformes, programmes..), celle de l'histoire interne de la revue (série, comités éditoriaux...) avec la base, on peut faire apparaître 3 grandes périodes dans l'histoire de la revue :
1842-1862 : lancement et installation dans le paysage éditorial
1860 : réforme des programmes d'enseignement de la revue | Enseignants et élèves constituent les ¾ des auteurs Enseignants : ½ des articles Élèves : ½ des réponses Forte baisse de la catégorie des élèves Au profit des autres revues ? Forte baisse de la rubriques Questions / Réponses |
1863-1895 : régime de fonctionnement conforme à ses objectifs
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1896-1927 : régime de concurrence
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Un premier dépouillement à partir des catégories professionnelles montre que les modes de fonctionnement de la revue varient selon les périodes déterminées plus haut ; pendant les deux premières périodes, les enseignants et les élèves de tout ordre constituent près des trois quarts de la population des auteurs. Les enseignants sont à l'origine d'environ la moitié des articles et des questions posées et les élèves sont les auteurs de près de la moitié des réponses aux questions posées pendant la première période et d'encore un tiers pendant la seconde période. La catégorie des élèves s'effondre pendant la troisième période ce qui tend à montrer que les revues concurrentes ont réussi à capter le public des élèves. Pendant cette troisième période, si la publication d'articles se maintient, la rubrique des questions-réponses a tendance à s'effondrer.
Les deux autres populations significatives en première instance sont celles des militaires et des ingénieurs. Une caractéristique de ces deux populations est qu'elles sont constituées d'anciens élèves de l'École polytechnique ; on peut noter que les militaires s'investissent particulièrement dans l'activité de réponses aux questions ce qui tend à indiquer qu'une partie du public militaire considère son investissement dans les Nouvelles annales comme une occasion de poursuivre une activité de résolution d'exercices acquise lors de sa formation.
1ère période (1842-1862) | ||||
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Catégories professionnelles | Effectifs | Nombre d'articles | Nombre de questions posées | Nombre de questions résolues |
Enseignants | 271 (37%) | 807 (41,5%) | 124 (52%) | 260 (27,5%) |
Élèves | 270 (37%) | 325 (17%) | 13 5,5%) | 433 (45,5%) |
Militaires | 37 (5%) | 158 (8%) | 37 (15,5%) | 68 (7%) |
Ingénieurs | 18 (2,5%) | 53 (3%) | 0 (0%) | 10 1%) |
Total | 735 | 1934 | 236 | 948 |
2e période (1863-1895) | ||||
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Catégories professionnelles | Effectifs | Nombre d'articles | Nombre de questions posées | Nombre de questions résolues |
Enseignants | 350 (36%) | 1195 (60%) | 534 (50,5%) | 396 34,5%) |
Élèves | 350 (36%) | 280 (14%) | 120 (11,5%) | 400 (35%) |
Militaires | 43 (4,4%) | 130 (6,5%) | 135 (13%) | 161 (14%) |
Ingénieurs | 44 (4,5%) | 136 (7%) | 104 (10%) | 52 (4,5%) |
Total | 964 | 1988 | 1053 | 1140 |
3e période (1896-1927) | ||||
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Catégories professionnelles | Effectifs | Nombre d'articles | Nombre de questions posées | Nombre de questions résolues |
Enseignants | 255 (47,5%) | 827 (61%) | 198 (42%) | 233 (31%) |
Élèves | 55 (10%) | 64 (5%) | 17 (3,5%) | 42 (5,5%) |
Militaires | 39 (7%) | 102 (7,5%) | 90 (19%) | 217 (28,5%) |
Ingénieurs | 31 (5,5%) | 108 (8%) | 47 (10%) | 40 (5%) |
Total | 537 | 1352 | 472 | 756 |
La catégorie des enseignants recouvrent des professions variées : professeurs d'Université, de l'École polytechnique, de l'École normale supérieure, de mathématiques spéciales et supérieures, de lycée, de collège, d'école militaire, professeurs agrégés, répétiteurs et examinateurs de l'école polytechnique. En première approche, on peut distinguer d'une part les enseignants relevant de l'enseignement supérieur (universités et grandes écoles) et ceux de l'enseignement secondaire (du collège aux classes préparatoires).
La catégorie des enseignants répartie entre enseignements supérieur et secondaire
Enseignement supérieur | Enseignement secondaire |
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86 enseignants dont 68 enseignants d'université 14 enseignants de l'école polytechnique | 246 enseignants dont 6 professeurs de mathématiques spéciales |
Enseignement supérieur | Enseignement secondaire |
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161enseignants dont 117 enseignants d'université 36 enseignants de l'école polytechnique | 254 enseignants dont 30 professeurs de mathématiques spéciales |
Enseignement supérieur | Enseignement secondaire |
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161enseignants dont 135 enseignants d'université 19 enseignants de l'école polytechnique | 109 enseignants dont 2 professeurs de mathématiques spéciales |
Les effectifs de ces sous-catégories montrent tout au long de l'histoire de la revue une montée en puissance de la participation des universitaires. Les effectifs des auteurs de l'enseignement secondaire restent stables pendant les deux premières périodes et s'effondrent durant la troisième qui apparaît de plus en plus comme celle de la prise en main de la revue par les universitaires[1]. La proportion nettement plus importante des professeurs de mathématiques spéciales pendant la seconde période indique que cette période semble être celle où la revue atteint de manière optimale le public visé à l'origine des élèves préparant les concours des grandes écoles. Même si cela n'apparaît pas en première lecture des effectifs de la première période de la revue, il semble que celle-ci mette un certain temps à s'imposer auprès du public comme l'indique un éditorial de Terquem en 1855 :
« Les Nouvelles Annales de Mathématiques vont entrer dans leur quatorzième année, et, malgré les sacrifices que nous nous sommes souvent imposés, elles ne sont pas, encore, nous devons l'avouer, parvenues à nous donner une juste rémunération. Les Nouvelles Annales auraient-elles manqué au but qu'elles se sont proposé, de présenter aux jeunes gens qui se destinent aux Écoles Polytechnique et Normale les solutions des problèmes qui peuvent le plus les intéresser ? Nous ne le pensons pas. »
[Terquem (1) 14 (1855), 5]
La seconde période verra les effectifs des enseignants et des élèves de classes de mathématiques spéciales croître de manière significative. Cela indique que la revue profite pleinement de la dynamique lancée par la multiplication des classes de mathématiques spéciales (en particulier en province). Au moment de la succession de Terquem en 1863, la rédaction estime que la revue a atteint son rythme de croisière et que son ambition est de continuer :
« Les Nouvelles Annales de Mathématiques s'adressent, comme l'indique leur titre, aux jeunes gens qui veulent entrer à l'École Polytechnique ou à l'École Normale ; elles s'adressent aussi aux Professeurs, puisque tous les travaux qui tendent à perfectionner l'enseignement des Mathématiques spéciales, simplification des théories, développements et applications des diverses méthodes, divulgation des découvertes récentes, sont de leur ressort. »
[Gérono et Prouhet, (2) 2 (1863), 1-2]
Ces hypothèses sont confortées par l'analyse des effectifs des élèves qui vont faire apparaître durant les deux premières périodes un net accroissement du nombre de contributeurs élèves en classe de mathématiques spéciales pour voir disparaître cette catégorie durant la troisième période. Les élèves et étudiants se répartissent entre plusieurs sous-catégories : élèves (de lycée), élèves de classes spéciales, de l'école polytechnique, des écoles militaires, de l'école normale supérieure, des écoles d'ingénieurs, de l'école des mines, et des étudiants. Ils seront dans cette première approche répartis en trois sous-catégories : les élèves qui préparent les concours (élèves de l'enseignement secondaire), les élèves des grandes écoles, les étudiants.
La catégorie des élèves répartie entre enseignements supérieur et secondaire
Élèves de l'enseignement secondaire | Élèves des grandes écoles | Étudiants |
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247 élèves dont 35 élèves de mathématiques spéciales | 22 élèves dont 16 élèves de l'École polytechnique | 15 étudiants |
Élèves de l'enseignement secondaire | Élèves des grandes écoles | Étudiants |
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270 élèves dont 133 élèves de mathématiques spéciales | 75 élèves dont 38 élèves de l'École polytechnique | 48 étudiants |
Élèves de l'enseignement secondaire | Élèves des grandes écoles | Étudiants |
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13 élèves dont 5 élèves de mathématiques spéciales | 18 élèves dont 9 élèves de l'École polytechnique | 26 étudiants |
En première approche, l'analyse des effectifs des élèves-étudiants montre que la seconde période (1863-1896) est celle où les élèves préparant les concours s'investissent dans la revue et en particulier participe activement à la résolution des questions posées. Le virage opéré dans les premières années 1890 et qui correspond à un changement de stratégie éditoriale puisque à partir de cette période la revue cible explicitement les étudiants des universités est un échec puisque l'accroissement faible des effectifs étudiants ne pallie pas la désertion des élèves. La revue perd de plus en plus de signification dans le champ éditorial et disparaît en 1927 pour des raisons financières mais aussi par manque d'auteurs.
Comme on vient de le voir simple comptage des effectifs de la catégorie professionnelle « élèves et étudiants » et de leur production dans la revue fait apparaître une présence très forte de cette catégorie dans l'activité de réponse aux questions (pendant les deux premières périodes) :
Nombre | Articles | Questions posées | Questions résolues | |
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1ère période (1842-1862) | ||||
Étudiants et élèves | 270 (37%) | 325 (17%) | 13 (5,5%) | 433 (45,5%) |
Total | 735 | 1934 | 236 | 948 |
2ème période (1863-1895) | ||||
Étudiants et élèves | 350 (36%) | 280 (14%) | 120 (11,5%) | 400 (35%) |
Total | 964 | 1988 | 1053 | 1140 |
3ème période (1896-1927) | ||||
Étudiants et élèves | 55 (10%) | 64 (5%) | 17 (3,5%) | 42 (5,5%) |
Total | 537 | 1352 | 472 | 756 |