Quel corpus ?
Les échanges épistolaires participant de la production et de la circulation scientifiques
Les échanges épistolaires entre scientifiques constituent des moments importants de la pratique scientifique tant pour élaborer, analyser ou diffuser des protocoles d'expériences, des théories ou des résultats. Les traces qu'ils laissent sont donc autant de sources fondamentales pour les historiens des sciences. Les originaux manuscrits se trouvent dans les fonds d'archives mais de nombreuses lettres sont publiées, souvent très rapidement. Certaines relèvent même d'un genre littéraire et on peut penser qu'elles étaient destinées à être publiées sous forme de livres dès l'origine ; nombre des lettres rédigées par René Descartes en sont certainement un exemple. De même, les lettres de Leonhard Euler à une princesse allemande sur divers sujets de physique et de philosophie.
Un autre exemple est constitué par les très nombreuses lettres ou extraits de lettres publiés dans les journaux scientifiques à partir du 18e siècle. Présentés comme des extraits d'une lettre adressée au rédacteur ou à un des rédacteurs d'un journal, ces textes sont considérés comme des notes ou des articles, preuve en est que ces publications sont reprises dans les œuvres complètes. Un journal comme les Comptes-rendus hebdomadaire de l'Académie des sciences (de Paris) fonctionne sur ce mode. On envoie soit une note rédigée spécialement, soit une lettre à un académicien qui la propose pour publication.
Exemple :
La lettre a été adressée au mathématicien finlandais Ernst Leonard Lindelöf qui était un des éditeurs du journal du journal finlandais Ofversigt af Finska Vetebskaps-Societetens Förhandlingar qui en publiera un extrait. E. L. Lindelöf est à la fois un ami de C. Hermite, impliqué dans le contenu de la lettre puisqu'il y est question d'une formule initialement démontrée par celui-ci et un des éditeurs du journal dans lequel C. Hermite souhaite publier son résultat. Cet extrait est repris dans les œuvres complètes d'Hermite, non comme une lettre mais comme une note publiée dans un journal. Un fac-similé d'une lettre à caractère scientifique mais n'ayant pas donné directement lieu à une publication est proposée à la fin du volume 4.
Hermite entretient de multiples correspondances avec nombre de mathématiciens. La correspondance qu'il échange avec le mathématicien Stieljes est publiée en 1905 en même que débutait celle de ses œuvres complètes.
Les correspondances entre scientifiques ne sont pas entièrement consacrées à des questions purement scientifiques mais aussi à des questions d'organisation, d'enseignement, de pouvoir académique... Ces lettres ont été longtemps négligées dans les éditions ou par les historiens. De nos jours, on considère ces lettres comme des sources importantes pour reconstruire les contextes académiques, institutionnels ou sociaux mais aussi pour analyser les valeurs défendues par les différents milieux scientifiques, les hiérarchies disciplinaires ou encore les modes d'organisation en centres et périphéries.
Parfois, les correspondances recèlent une part relevant de l'intime ou du moins du privé.
Les échanges épistolaires de scientifiques.
Dans quelle mesure une correspondance impliquant un ou plusieurs scientifiques parlant de leur famille, de politique ou même d’événements à caractère académique est-elle pertinente ?
Là encore, tout dépend des questions que l'on se pose. Ainsi, sans aucun doute, de telles correspondances, certes un peu éloignées des questions immédiatement scientifiques vont constituer des sources précieuses si l'on s'intéresse aux réseaux de correspondances en général d'un scientifique, encore plus dans le cadre d'une approche biographique ou socio-historique d'un milieu scientifique. En général, de nos jours, l'éditeur d'une correspondance ne s'arroge pas (plus) le droit de faire un tri entre le pertinent et l'inintéressant. On considère une correspondance comme une totalité à traiter comme telle.
Exemple :
La correspondance d'Henri Poincaré avec sa mère lorsqu'il est étudiant à l'École polytechnique a un intérêt biographique certain pour appréhender la période de sa formation et de sa jeunesse ainsi que pour la reconstruction du contexte de l'École polytechnique aux alentours des années 1875-80.
Voir http://images.math.cnrs.fr/Du-cote-des-lettres-1-une-lettre-d.html.