À propos du « r » en créole
Mis à part le créole guyanais, où le « r » correspond sur le plan phonétique au « r » grasseyé du français standard, le « r » correspond phonétiquement, dans les créoles de la zone américano-caraïbe, à une fricative vélaire sonore, qui est à certains égards proche de la semi-consonne [w] sur le plan articulatoire. Si donc le « r » se note toujours par la lettre <r> en créole guyanais, il est tantôt noté <r>, tantôt <w> dans les autres variétés, en fonction de son environnement phonétique[1].
Dans ces autres variétés, le son « r » s'écrit généralement <r> , mais s'écrira exceptionnellement <w> s'il se trouve avant ou après une voyelle arrondie faisant partie de la même syllabe que lui. Une voyelle arrondie est une voyelle qui est prononcée avec les lèvres arrondies : c'est le cas des voyelles [o], [u], et en créole, qui s'écrivent respectivement « o », « ou », « ò/o » et « on ». Lorsque les lèvres sont arrondies pour prononcer [o], [u], et , cela a pour conséquence de modifier la prononciation du « r », qui se confond quasiment avec [w]. Sur le plan graphique, cela revient à dire que l'on écrira toujours « w » devant la lettre « o » ou après les lettres « o » et « u », comme dans « Wojé » (Roger), « wòl » (rôle), « wouj » (rouge), « biwo » (bureau), « wos » (rosse), « gwò » (onomatopée désignant le bruit que fait le ventre quand on a faim), « gwo » (gros), « kowbo » (corbeau).
Attention :
Bien entendu, ceci est valable si et uniquement si le son [r] fait partie de la même syllabe que la voyelle arrondie. Dans le mot « koré », [r] continue à s'écrire « r » parce qu'il ne fait pas partie de la même syllabe que le « o » : on a ici une première syllabe « ko » et une deuxième syllabe « ré ».
Remarque :
Si l'on n'est pas sûr du découpage syllabique, une astuce permet de savoir s'il faut écrire « r » ou « w ». Si le son [r] se trouve devant le « o » dans un mot, il fait toujours partie de la même syllabe et s'écrit toujours « w », donc l'hésitation concerne uniquement les cas où le son [r] se trouve après une voyelle arrondie, c'est-à-dire après « o », « ò », « on » ou « ou ». Il suffit en ce cas de regarder si après le son [r] lui-même il y a une consonne ou une voyelle. Si le son [r] se trouve après une voyelle arrondie et qu'après lui il y a une voyelle, il s'écrira « r » car il ne fera pas partie de la même syllabe que la voyelle arrondie : on écrit donc « kouraj » (courage) qui compte deux syllabes « kou » et « raj », ou encore « kouri » (courir) qui compte deux syllabes « kou » et « ri ».
Précisons que ceci n'est valable que si la voyelle qui se trouve après le son [r] n'est elle-même pas arrondie, sinon on aurait un « w » comme dans « bouwo » (bourreau). Si par contre le son [r] se trouve après une voyelle arrondie et qu'après lui il y a une consonne, il s'écrira « w » car il fera partie de la même syllabe que la voyelle arrondie : on écrit donc « kòwbo » (corbeau) qui compte deux syllabes « kòw » et « bo », ou encore « kòwsaj » qui compte deux syllabes « kòw » et « saj ». On peut résumer ces principes sous forme schématique :