Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

Un tableau de comparaison entre 2 conceptions de l'intelligence et de sa mesure

Si on compare la position d'Alfred Binet au début du XXe siècle en France et la manière dont son test, (ses tests, son outil de l'évaluation de l'intelligence, son échelle métrique de mesure de l'intelligence), sera utilisé, réinterprété, transformé dans le contexte américain, on est frappé par un certain nombre de différences très fortes, la première différence c'est qu'il y a d'un côté un outil de diagnostic, diagnostic différentiel c'est le mot utilisé par Binet, d'un autre côté on a un outil de classement automatique des individus. Diagnostic clinique : un psychologue face à un enfant, d'un autre côté un instrument automatique, automatisé, on pourra même dire aujourd'hui qu'à l'époque si les ordinateurs avaient existé, les outils auraient été opérationnalisés dans les ordinateurs, dans des i phones, pourquoi pas ? La seconde différence, même si le mot est le même, évidement il est traduit, dans les deux cas on parle de mesure, la notion de mesure est très différente dans le cas de Binet et dans le cas américain.

Dans le cas de Binet, il le dit lui-même : je parle de mesure par commodité, je parle de mesure simplement pour faire comprendre que je suis dans une évaluation un peu standardisée, un peu systématique mais voilà je ne mets pas dans le mot mesure ce qu'un physicien pourrait y mettre. Du côté de la psychologie américaine, de ces psychologues américains qui utilisent ces outils transformés de Binet, les outils de mesure sont de vrais outils de mesure et il y a une conception réaliste de la mesure, les outils de mesure qui vont aboutir à des QI ou à des scores d'intelligence, sont vraiment des outils qui permettent de mesurer la quantité d'intelligence des individus ; bien sûr ils sont encore imparfaits, bien sûr il existe des polémiques entre psychologues pour savoir quel est le bon outil de mesure de l'intelligence, mais il ne fait pas de doute dans leur esprit qu'ils arriveront un jour à mesurer dans l'absolu l'intelligence, à mesurer dans l'absolu la quantité d'intelligence de chaque individu ; on a l'utilisation assez « soft », assez commode de la notion de mesure, du mot mesure, d'un côté le mot mesure véhicule une conception très réaliste de ce que doit être la mesure dans les sciences humaines y compris en psychologie, et dans un terreau intellectuel où effectivement la quantification est plus importante qu' en France.

Troisième différence chez Binet alors même si c'est parfois un peu subtil dans ses écrits, on peut considérer qu'il n'y a pas de théorie générale de l'intelligence, en tout cas pas de théorie de la transmission des capacités intellectuelles des parents aux enfants, il n'y a pas de théorie disons du caractère inné ou pas de l'intelligence, c'est des questions qu'il ne se pose pas. Dans le contexte américain, parce qu'il y a des enjeux autour des politiques eugénistes, parce qu'il y a des enjeux philosophiques et théoriques autour de l'eugénisme, parce que le terreau de l'eugénisme est présent, il se pose la question de la transmission de l'intelligence et les statistiques que les Américains vont concevoir et analyser sur les différences de l'intelligence entre les différentes races, entre les hommes et les femmes, entre les différentes ethnies, ouvrent la porte à des politiques eugéniques, et parce que dans le contexte américain il y a une théorie générale de l'intelligence et une théorie du caractère transmis de cette intelligence.

La dernière différence se situe dans leur conception de l'intelligence. Binet ne va pas très loin dans son explicitation de ce qu'est l'intelligence, il n'explicite pas énormément sa conception, sa théorie ce qu'il entend par le mot intelligence, mais on comprend que selon lui l'intelligence est une grandeur multiforme, une grandeur qui regroupe plusieurs capacités, plusieurs attitudes différentes et au fond son outil, c'est un outil d'évaluation un peu moyen de ces différentes aptitudes, différentes grandeurs intellectuelles. Dans la conception américaine, même si, bien sûr, on va trouver chez les psychologues américains des défenseurs d'une pluralité des formes d'intelligence, ceux qui seront vraiment les maîtres d'œuvre des outils de mesure de l'intelligence, qui vont opérationnaliser le test de Binet dans le contexte américain, qui vont le rendre efficace, standardisé, quantitatif, ont, eux, une conception soit absente, ils n'ont pas de théorie de l'intelligence, ils n'explicitent pas l'opposition sur la définition de ce qu'est l'intelligence, soit lorsqu'ils le font ils ont une définition très unilinéaire de l'intelligence, on peut être plus ou moins intelligent mais il existe pas différentes formes de l'intelligence, c'est une conception relativement linéaire de l'intelligence, et ils ont surtout une conception très réaliste de la notion de l'intelligence.

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