Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

Les 3 versions du « Binet-Simon »

La première version de l'échelle psychométrique sera présentée en 1905 par Binet et Simon lors d'un congrès à Rome.

C'est vraiment une avancée considérable, on n'est plus dans des processus très élémentaires des vitesses de réaction, de mesures de temps de réaction par exemple, on est dans des questions qui sont assez globales, mais on voit très bien dans cette première épreuve que la question est de faire la différence entre le développement normal et l'état d'arriération ; par exemple l'item 1 de cette épreuve de 1905, le premier item c'est observer la réaction de l'enfant devant une allumette allumée qu'on lui promène devant les yeux, on sait très bien que ce type d'observation, c'est ce qu'on fait très rapidement dès qu'un nourrisson vient de naître, au bout du troisième jour, on propose une petite lumière devant les yeux d'enfants de quelques jours, quelques semaines et on voit que l'enfant peut suivre avec le regard, c'est un réflexe. Binet dans son échelle commence comme ça pour les enfants, qu'on 'imagine les plus en retard, on ne s'imagine pas qu'un enfant de 4 ou 5 ans ne puisse pas suivre un point lumineux devant les yeux. Le dernier item, il demande de définir des mots abstraits, l'estime, la confiance, on voit que d'un côté il veut aller au premier réflexe et de l'autre aller jusqu'aux mots les plus abstraits et qu'il va faire simplement une partition entre des niveaux d'arriérations qui ne passeront jamais à l'abstraction et de l'intelligence normale.

C'est vraiment une échelle un peu dichotomique, la première version de 1905.

Les photos de l'époque continuent de montrer Binet et Simon en train de faire des mesures anthropométriques sur des enfants mais c'est bien dans une autre dimension que l'évaluation d'intelligence est entrée.

De 1905 à 1908, il a toujours continué de faire son premier test, son premier jet, il l'a vraiment fait évoluer vers un outil, et l'échelle métrique de 1908 que propose Binet est vraiment le précurseur des tests qu'on peut encore utiliser aujourd'hui, un test avec des niveaux d'âge, des items qui sont hiérarchisés, classés ; il fait tout un travail d'expérimentation, qui lui a permis de bien classer ces items, ils sont essayés, ils sont standardisés, les consignes sont standardisées, et dans l'Année psychologique de 1908, le texte indique bien comment faire passer ce test auprès des enfants ; il indique quelles sont les consignes que les utilisateurs doivent appliquer, comment coter, quelles sont les bonnes et les mauvaises réponses. On a tout un ensemble de hiérarchisation des items, de standardisation des consignes et de la cotation qui sont les fondamentaux des tests actuels.

Cette échelle de 1908 est adaptée pour les enfants de trois à treize ans, pour les premiers items, par exemple pour les enfants les plus jeunes, on leur demande de montrer le nez, l'œil, la bouche et puis on va finir avec des items beaucoup plus complexes, plus abstraits pour les enfants de treize ans. Binet est très innovant , très original pour son époque et il essaye de créer des items nouveaux qui peuvent intéresser les enfants ; un des items qui est intéressant est celui qui est nommé « comparaison esthétique », c'est un item qui demande de comparer, de dire qu'elle est la plus jolie de ces deux dames, ça paraît un petit peu simple mais ça illustre bien l'idée qu'il fait appel aux processus mentaux supérieurs : l'esthétique ne peut pas se couper en processus élémentaire, ce n'est pas parce qu'on a les cheveux frisés qu'on peut être plus joli, on fait appel à quelque chose de fondamental, de complexe et il ne cherchait pas à rentrer dans la complexité mais à en rendre compte.

On a comme ça d'autres items, il y en a un par exemple qui consiste à décrire une gravure, plutôt à parler sur une gravure ; il propose une gravure aux enfants où on voit un homme et un garçon qui tirent une charrette, par une journée de pluie dans une ville et il propose de coter cette gravure selon trois niveaux : la description, l'énumération (c'est le niveau le plus simple, il suffirait de dire un garçon, un monsieur, une charrette, on énumère les éléments), la description qui est le deuxième niveau, (un garçon et un monsieur tirent une charrette) et enfin l'interprétation, (un père et son fils qui déménagent à la hâte parce qu'ils viennent d'être expulsés).

Donc il a créé des items qui sont très nouveaux, très originaux et propose pour chacun un niveau d'interprétation et de cotation, et ça c'est extrêmement intéressant dans la démarche de Binet de 1908.

Mais l'échelle de 1908 introduit aussi la notion d'âge mental.

Au fond ce qu'il va dire c'est que la personne handicapée mentale ne raisonne pas d'une manière qui serait tout à fait particulière, qui serait spécifique, elle raisonne comme tout le monde mais à un âge nettement moins avancé, on parle vraiment de retard mental, le terme est tout à fait clair, il se dit d'un adulte de 25 ans qui peut fonctionner au niveau intellectuel comme un enfant de huit ans ou un enfant de 6 ans, mais dont les capacités de résolution ne sont pas autres, ne sont pas différentes.

Il a classé par expérimentation les réponses aux différents items. Les différents petits tests qu'il propose en fonction de l'âge, à partir du moment où une réponse est donnée par plus de cinquante pour cent de la population d'étalonnage, il la considère comme étant de l'âge. Un exemple : aux enfants il propose de nommer quatre couleurs : rouge, bleu, jaune et vert ; il se rend compte qu'il faut atteindre 7 ans en 1908 pour que les enfants réussissent à nommer quatre couleurs, les reconnaître ; maintenant, dès trois ans et demi tous les enfants savent repérer les couleurs et les nommer, et donc il va classer l'item, repérer, nommer quatre couleurs dans la classe d'âge des sept ans, et ce sera un des items, des questions qui permettront de repérer l'avance ou le retard par rapport aux petits congénères.

Dans un souci d'expérimentation, il remarque qu'il a vu ces enfants à Sainte-Anne et dans des écoles ouvrières de Paris, rue des Récollets, rue Sambre-et-Meuse, rue de la Grange-aux-Belles et donc que son étalonnage, son expérimentation concernent plutôt des enfants de la classe ouvrière et qu'il en serait différemment si on prenait des enfants de riches.

Imaginons que le test pour six ans, l'échelle pour six ans soit constitués d'une série d'une dizaine d'épreuves. Un enfant normal sera supposé réussir toutes ces épreuves sans difficultés à l'exception nous dit Binet d'une seule éventuellement, il a droit à une erreur ; donc pour un enfant de six ans à qui on soumet dix épreuves, s'il les réussit (éventuellement neuf de ces dix épreuves), et bien l'enfant qui passera ce test, l'aura réussi et aura donc un âge mental d'au moins six ans. Toujours pour ces enfants de six ans, imaginons qu'on les soumette à une série d'épreuves destinées aux enfants de sept ans, si un enfant de six ans réussit toutes les épreuves (moins une éventuellement, il a droit à une erreur), et bien cet enfant de six ans aura un âge mental de sept ans. Donc au fond l'âge mental c'est l'âge le plus élevé pour lequel j'aurai réussi toutes les épreuves qui lui sont destinées.

La troisième version de l'échelle de Binet date de 1911.

On peut considérer, en voyant la version de 1911, celle de 1908 comme ce qu'on nommerait maintenant une pré-expérimentation, c'est une vraie expérimentation. Quand on fait un test actuellement on propose des pré-expérimentations très larges avec de nombreux sujets. Binet a tenu compte des remarques qu'on lui a faites au sujet de son échelle, il a tenu compte des propres remarques que lui-même a faites au sujet de l'échelle de 1908, et il a abouti à l'échelle de 1911, en changeant un petit peu : l'échelle part toujours de 3 ans mais monte plus haut, 15 ans et l'âge adulte. Cette échelle qui va aller jusqu'à 15 ans et l'âge adulte change aussi d'objectif ; si vous proposez de mesurer l'intelligence des adultes avec une échelle d'âge, on comprend bien que les adultes peuvent dire, « moi je prends un an tous les ans d'âge chronologique mais je ne prends pas un an d'âge d'intelligence tous les ans », Binet était conscient de cette difficulté, en revanche en proposant des items pour les adultes, des situations pour les adultes, il change la vocation de son échelle dans le sens où pour un enfant donné il va proposer des choses très difficiles donc on ne va pas simplement rester dans l'évaluation d'intelligence des enfants qui poseraient des difficultés à l'école, voire des troubles de l'apprentissage, on va vers une évaluation vraiment quantitative de l'intelligence, on va pouvoir mettre en évidence des enfants supérieurement intelligents parce qu'on aura des questions, des items beaucoup plus compliqués.

Rappel

Cliquez sur le lien ci-après pour accéder à la vidéo : http://alfredbinet.univ-lorraine.fr/#les_3_versions_du___Binet-Simon___

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