Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

La postérité française de l'échelle psychométrique de Binet et Simon

À partir de 1911 lorsque Binet meurt, son échelle est moins bien diffusée en France, il n'a pas convaincu vraiment les gens de son époque, il en a convaincu certains très fortement, par contre son échelle s'est développée à l'étranger et particulièrement aux États-Unis , Godard qui est son premier traducteur mais aussi Lewis Terman qui a créé des échelles aux États-Unis toujours utilisées par une revue qui s'appelle le Standford-Binet qui est le niveau 7 actuellement ; donc il y a eu tout un démarrage, il a laissé une empreinte vraiment très forte pour tous ceux qui s'intéressait à l'intelligence d'une manière plutôt concrète, appliquée, non pas qui voulaient simplement en faire des définitions. Binet et plus tard Zazzo ont bien dit qu'on avait des difficultés pour définir l'intelligence, mais qu'on pensait qu'il valait mieux essayer de la mesurer même avant de la définir, qu'on pouvait faire ce travail-là, donc il y a eu un développement très fort sur les outils à l'étranger, aux États-Unis, sur tous ces travaux-là, avec des abus, des biais, mais vraiment une recherche très poussée, alors qu'en France, Théodore Simon est resté le détenteur moral des droits sur l'échelle métrique d'intelligence de Binet, et par respect pour le grand homme qu'il admirait énormément, il a souhaité qu'on ne touche point à son œuvre, et elle est restée telle que, jusqu'à ce que Zazzo intervienne et retravaille sur ce test.

Il faut donc faire un saut dans le temps de plusieurs décennies pour trouver en France une postérité vivante à l'œuvre de Binet avec René Zazzo.

René Zazzo est un chercheur, qui s'est toujours intéressé dès ses premières études parce qu'en 1934, il a fait un stage auprès de Guezel aux États-Unis, Guezel était l'auteur d'un test, un baby test pour les enfants de 2 à 30 mois, baby test que Zazzo a ramené en France et qui était travaillé par Odette Brunet et Irène Lézine et qui a donné le Brunet-Lézine, test toujours utilisé actuellement qui permet d'évaluer le développement des enfants de 2 à 30 mois.

Zazzo était quelqu'un qui était très engagé pendant la deuxième Guerre mondiale, qui avec Vallon a fait partie du Conseil national de la résistance et du gouvernement provisoire dès 1944, Vallon étant nommé secrétaire à l'Éducation et Zazzo secrétaire d'État à la Jeunesse et au sport, sport qu'il a très peu pratiqué comme il le disait souvent. Ils ont profités tous deux de leurs engagements dans ce gouvernement provisoire pour créer la psychologie scolaire. Zazzo est tout à fait dans la lignée de Binet qui a aussi créé son échelle pour répondre aux besoins d'éducation, Zazzo était dans ce même état d'esprit, et c'est ce qu'il fait avec la psychologie scolaire. Les premiers psychologues scolaires avaient besoin d'outils valables pour essayer d'aider les enfants en difficulté. Le seul outil disponible était le Binet-Simon, donc Zazzo l'a proposé et s'est lancé parce qu'on avait tout de suite repéré que le Binet-Simon de 1944, 1945 était plus adapté aux enfants de l'époque par rapport aux enfants de 1911. Donc Zazzo a mené un étalonnage, un travail très important, 550 enfants ont été vus, de nombreux psychologues ont participé à l'étalonnage, (14 psychologues), ils ont bien standardisé tous les éléments, on a obtenu comme ça un Binet-Simon en 1949 avec un étalonnage très efficace, mais au cours de ce travail d'étalonnage Zazzo s'est rendu compte des faiblesses du Binet-Simon, les items ne permettaient plus de discriminer les enfants au-delà de dix ans, c'est ce qu'on appelle l'effet Flynn : le niveau des enfants avait beaucoup évolué entre 1911 et 1948, et par conséquent les items qui étaient très difficiles, prévus pour les enfants de douze ans n'étaient plus efficaces que pour les enfants de dix ans, il y avait des différences de deux années d'âge, et donc Zazzo a repéré les faiblesses, les items obsolètes , les difficultés dans l'organisation, dans au cours du test, donc il a proposé par la suite de refaire une nouvelle version du Binet-Simon.

Son intention était de garder le Binet-Simon, d'en refaire une version modernisée, et évidemment René Zazzo indique que pour refaire le Binet-Simon, il fallait accepter le risque qu'il trahisse l'œuvre de Binet, en fait il ne l'a pas trahie du tout, mais il y avait ce risque là et Théodore Simon qui était le gardien du temple, le gardien de l'œuvre de Binet a refusé absolument que René Zazzo touche au Binet-Simon.

Donc le Binet-Simon est resté dans sa version de 1911, et Zazzo a proposé une nouvelle version qu'il a appelée échelle métrique d'intelligence en référence, en hommage aux travaux de Binet, car Binet avait utilisé ce terme d'échelle métrique de l'intelligence dans ses écrits de 1897, Zazzo a ajouté le qualificatif nouvelle, et c'est devenu la nouvelle échelle métrique de l'intelligence, NEMI qui est sortie en 1966.

A la fin du XXe siècle, dans les années 1990, 1995 la Nemi n'était presque plus utilisée parce que l'étalonnage était devenu obsolète, les enfants de 1990 n'étaient plus ceux de 1949 ou de 1966 et les questions ne correspondaient plus au développement des enfants, donc il a fallu revoir cette NEMI. Alors l'éditeur français de la NEMI était Philippe Chabot, directeur des établissements d'applications psychologiques, et il a été très attaché à cet outil, autant que Zazzo à qui l'éditeur a demandé de réfléchir à comment on pourrait relancer, comment on pourrait repenser cet outil-là, il s'est donc retrouvé et à continuer à proposer une nouvelle échelle métrique de l'intelligence qu'on a appelé la NEMI 2.

Alors voilà, au bout du compte on a un outil qui continue de fonctionner, qui est très utilisé par les psychologues français, plusieurs dizaines de milliers d'enfants qui ont passé la NEMI 2, qui l'ont connue et on leur a posé comme aux petits de Binet de 1911 à la Grange aux Belles les mêmes questions pour les plus jeunes : « montre-moi ton nez, ton œil, ta bouche, montre-moi ta main droite, ton œil gauche, ta jambe gauche, ton oreille droite, est-ce qu'on est dans l'après-midi, dans le matin ou dans le soir », et cetera. Il y a énormément de questions, de situations qui ont été gardées et qui sont encore actuellement proposées, on se rend compte à travers l'étalonnage que l'on a pu faire et toutes les recherches que l'on a menées avec la NEMI 2, de la qualité des items de Binet tels qu'ils étaient proposés, il y avait eu vraiment un travail de sélection d'items qui était d'une solidité incroyable, parce qu'ils sont aujourd'hui toujours très adaptés, même si la structure de l'outil a changé.

On a gardé aussi l'esprit Binet, c'est-à-dire l'intelligence globale, une mesure de l'intelligence globale, des processus mentaux supérieurs par des questions assez complexes qui touchent aussi l'enfant, par exemple, on peut poser des questions de vocabulaire, dire à l'enfant, qu'est-ce que c'est qu'une injustice ? On sait que les enfants sont sensibles à ces aspects. Comme Binet, on veut le cas clinique de l'enfant , on peut modéliser ou plutôt changer les questions de façon à ce que l'on se comprenne bien avec l'enfant et puis le tout reste un outil qui est léger, le cavalier bondissant de Zazzo, ou le Binet-Simon dont la passation est facile à faire et qui permet donc de bien se concentrer sur les aspects cliniques et toujours avec le même esprit, dans la NEMI 2, je donne, j'ai écrit des cas cliniques sur des enfants, un petit peu comme Binet a pu écrire sur le jeune Dufour, des cas cliniques qui évoquent tout l'intérêt qu'on peut avoir de repérer des disharmonies par exemple entre le niveau intellectuel et cognitif mesuré par le test et le niveau scolaire de l'enfant ou ses difficultés.

Rappel

Cliquez sur le lien ci-après pour accéder à la vidéo : http://alfredbinet.univ-lorraine.fr/#la_posterite_francaise

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