Comment est née “l'échelle métrique de l'intelligence”
Durant le XIXe siècle, il existe des tests psychométriques mais qui sont en fait physio psychométriques et portent sur des grandeurs physiologiques, on mesure des temps de réponse, on mesure des réflexes, on mesure des réactions, des stimuli, etc. C'est une partie de la psychologie allemande, une partie de la psychologie anglaise mais c'est quelque chose qui est assez peu présent en France.
Au fond, le travail de laboratoire est très loin des applications, on est dans une logique, on fait de la recherche très fondamentale, très analytique et sur cette base on va ultérieurement avoir des implications possibles ; on ne peut pas parler de mesure, mais il existe un terreau sur lequel la mesure en psychologie va venir s'installer ou grandir, ce sont tous les travaux en France autour de Charcot sur les pathologies mentales, donc les fous, les attardés, les aliénés, et ce sont des individus qui sont pensés dans une situation clinique, on essaye à la fois de comprendre ce qu'ils ont, on essaye de comprendre leurs pathologies, on essaye d'identifier ces pathologies, on essaye bien évidemment aussi de les soigner.
Pour résumer les choses, la constitution des outils de Binet se fait dans un terreau où il y a à la fois la volonté d'outils un peu standardisés, (je vais y revenir), et la volonté d'apporter des éclairages sur des grandeurs psychologiques, sur des traits psychologiques, sur des maladies éventuellement mentales.
Le début du XXe siècle suit de quelques années les lois Jules Ferry qui impliquent notamment l'instruction obligatoire, ce qui a amené à constater que certains enfants s'avèrent incapables de suivre donc pour quelle raison y a-t-il chez eux une anomalie ? Faut-il les appeler des enfants anormaux ? Seraient-ils scolarisables par une autre approche ? Par d'autres méthodes ? Ou sont-ils inéducables ? Alors le ministère à l'époque se préoccupent précisément de trouver un moyen pour identifier les enfants en difficulté, pour différencier ceux qui seraient scolarisables de ceux qui ne le seraient pas, il ne dispose pas de moyens précis.
Le ministère crée donc fin 1904 une commission présidée par Léon Bourgeois.
Il y a vraiment cette préoccupation de faire en sorte que les enfants scolarisables soient scolarisés et qu'inversement on ne perde pas de temps avec des enfants trop handicapés pour pouvoir bénéficier de l'école, cette commission d'étude dite des enfants anormaux a pour but d'effectuer cette différenciation.
Binet qui est devenu président de la Société libre pour l'étude psychologique de l'enfant en 1902 va logiquement faire partie de cette commission, les débats y sont vifs, Binet s'oppose par exemple à Bourneville célèbre médecin aliéniste qui défend une classification des enfants strictement médicale.
La particularité de Binet c'est d'être de ce point de vue-là un pragmatique, pas du tout un idéologue, pas du tout quelqu‘un qui va arriver avec une théorie très développée et très fine mais au contraire quelqu'un qui se dit : « mais au fond quels sont les éléments concrets qui vont pouvoir aider les personnes qui sont sur le terrain ? »
Et le terrain, c'est-à-dire l'école, Binet va s'y établir grâce aux liens qu'il a noués au sein de l’Éducation nationale, il a la possibilité d'ouvrir un laboratoire dans une école à Paris.
Laboratoire est un mot un peu pompeux, mais une salle installée dans l'école de la Grange aux Belles à Paris, où il pouvait voir des enfants directement, les observer. Il critiquait très fermement les expérimentateurs en chambre comme il disait, qui restent dans leurs robes de chambre, qui n'ont jamais vu un enfant et qui ne proposent aucun élément pour la compréhension de l'enfant. Lui ce qu'il voulait c'est être sur le terrain.
Donc il est particulièrement intéressant de se trouver dans cette école qui est vraiment celle dans laquelle il a travaillé, il est venu de manière presque quotidienne depuis 1904 jusqu'au début de l'année 1911 ; pendant les derniers mois de sa vie il était trop fatigué pour y venir régulièrement, on peut dire que de 1904 à 1911, c'est vraiment dans cette maison qu'il a travaillé.
Les examens psychologiques à partir desquels il a construit l'échelle métrique ont été conduits dans cette école, là où nous sommes.
Binet n'a pas travaillé seul, il a travaillé avec Vaney au tout début, pour le premier essai il a travaillé avec Théodore Simon médecin psychiatre qui travaillait à l'asile de Perray-Vaucluse et Binet a eu besoin de l'expérience de Simon, de sa connaissance des enfants à l'intelligence anormale, des enfants arriérés ; pour proposer certains éléments de son test, certaines situations, certaines questions, il avait besoin d'une connaissance et d'accéder à une population d'enfants qui présentaient ces troubles-là, et Simon a été pour lui d'un grand secours sur ce plan, de plus il était médecin, ce qui avait une importance pour la diffusion des premières idées de Binet.
Rappel :
Cliquez sur le lien ci-après pour accéder à la vidéo : http://alfredbinet.univ-lorraine.fr/#comment_est_nee_lechelle_metrique_de_l_intelligence