Les imaginaires de l'électricité de la science à la fiction (XVIIIe-XXe siècles)
La quatrième et dernière partie choisit un modèle didactique différent des trois récits précédents. C'est désormais le lecteur qui se fait acteur principal des interprétations et des comparaisons possibles à partir de trois images de l'électricité. La figure n°4-a[1] constitue la première planche d'un ouvrage de physiologie paru en 1791, rédigé en latin par Luigi Galvani, De viribus electricitatis in motu musculari. Commentarius [Commentaire sur les forces électriques dans le mouvement musculaire]. Cet ouvrage et la thèse qu'il défend – l'électricité est un phénomène d'origine animale – ont suscité une controverse sur le « galvanisme » dans les universités italiennes à la fin du XVIIIe siècle portant sur la cause du phénomène électrique et des mouvements musculaires chez les êtres vivants (Bernardi, 2001). Cet événement scientifique a inspiré à l'auteur romantique Mary Shelley (1797-1851), un roman de science-fiction – Frankenstein; or the Modern Prometheus – paru en 1818 à Londres (Lackinngton and Co). Shelley imagine la conception par le docteur Frankenstein d'une créature (sans nom) fabriquée à partir de cadavres et animée par une « étincelle de vie » d'origine électrique. La deuxième image de l'électricité, figure n°4-b[2], est la description du moment donnant vie à la créature :
« Une sinistre nuit de novembre, je pus enfin contempler le résultat de mes longs travaux. Avec une anxiété qui me mettait à l'agonie, je disposai à portée de ma main les instruments qui allaient me permettre de transmettre une étincelle de vie à la forme inerte qui gisait à mes pieds. Il était déjà une heure du matin. La pluie tambourinait lugubrement sur les carreaux, et la bougie achevait de se consumer. Tout à coup, à la lueur de la flamme vacillante, je vis la créature entrouvrir des yeux d'un jaune terne. Elle respira profondément, et ses membres furent agités d'un mouvement convulsif. »
(Shelley, 1994, 60-61).
L'intrigue de la naissance de la créature de Frankenstein est bien connue mais il est intéressant de comparer la description de Shelley avec les représentations qui en ont été fabriquées un siècle plus tard par l'industrie cinématographique. Ainsi, la figure n°4-c[3], tirée du film Frankenstein de James Whale (1931), met en scène la plus célèbre des créatures, jouée par Boris Karloff : très différente est la situation montrée par rapport à la description romanesque antérieure d'un siècle.
