Thomas d'Aquin : L'hylémorphisme
Extrait de « Somme contre les gentils, II » - Thomas d'Aquin
En outre, Aristote, au livre 1 du traité De L'âme (407620-23), reproche aux anciens de n'avoir, lorsqu'ils parlaient de l'âme, rien dit du <sujet> apte à la recevoir en propre, comme s'il pouvait arriver, comme le veulent les fables des pythagoriciens, que n'importe qu'elle âme revête n'importe quel corps. Il n'est donc pas possible que l'âme du chien entre dans le corps du loup, ou que l'âme de l'homme entre dans un autre corps que celui de l'homme. Mais la proportion qu'il y a entre l'âme de cet homme et le corps de cet homme est la même que celle qu'il y a entre l'âme de l'homme et le corps de l'homme. Il n'est donc pas possible que l'âme de cet homme entre dans un autre corps que celui de cet homme. Mais l'âme de cet homme est ce par quoi cet homme pense, puisque l'homme pense par son âme, selon la doctrine d'Aristote au livre 1 du traité De L'âme (408b14-15).
Extrait de « Questions discutées : De l'âme » - Thomas d'Aquin
Il est manifeste que ce par quoi le corps vit est l'âme. Or vivre est l'être (esse) des vivants. L'âme est donc ce par quoi le corps humain possède l'être en acte. Or la forme est de cette sorte. Par conséquent l'âme humaine est la forme d'un corps. De nouveau, si l'âme était dans le corps comme un matelot sur un navire, elle ne donnerait une espèce ni au corps, ni à ses parties ; or le contraire apparaît par le fait que l'âme s'éloignant, chaque partie du corps ne retient son nom premier que d'une manière équivoque. En effet l'œil d'un mort est appelé œil d'une manière équivoque, comme un œil peint ou un œil de pierre, et il en est de même quant aux autres parties. Et en outre, si l'âme était dans le corps comme un matelot sur un navire, il suivrait que l'union de l'âme et du corps serait accidentelle. La mort donc, qui signifie leur séparation, ne serait pas une corruption substantielle, ce qui est évidemment faux. Il reste, par conséquent, que l'âme est un ce quelque chose en tant qu'elle peut subsister par elle-même, non comme possédant en elle-même une espèce achevée, mais comme apportant sa perfection à l'espèce humaine de sorte qu'elle est forme d'un corps. Ainsi elle est en même temps une forme et un ce quelque chose.