Méthodologie en histoire des sciences

Comment aborder l'étude d'un journal ou d'un corpus de journaux ?

L'éditeur, les rédacteurs, les auteurs et contributeurs, les lecteurs, les auteurs de comptes rendus dans d'autres publications sur les contenus, les rédacteurs des index, les protecteurs (aux 17e et 18e siècles), les comités éditoriaux, les institutions auxquelles le journal est attaché, les graveurs, les imprimeurs, les libraires, la maison d'édition, les censeurs (aux 17e et 18e siècles), les autres journaux...

Que le journal soit une entreprise commerciale ou non, éditer un journal coûte cher et la générosité éventuelle des mécènes a des limites. La question du lectorat se pose dès le début de l'entreprise. Quel segment de public est visé ?, quel est le public potentiel ?, quel est le public atteint ? De même pour les auteurs et contributeurs. Il est indispensable que le journal agrège autour de lui suffisamment d'auteurs et de contributeurs.

L'entrée par les publics « auteurs » et « lecteurs » permet de comprendre le rôle que joue le journal, sa fonction dans le champ scientifique et liens qu'il entretient avec certains segments de la communauté ou des communautés scientifiques concernées par ce journal. S'il est relativement facile de saisir le public des contributeurs, il est évidemment difficile de cerner le lectorat (dans certains cas, on peut disposer de listes d'abonnés).

Les publics d'un journal peuvent en première analyse être classés en « professionnels » ou « producteurs », « utilisateurs », « amateurs » et « étudiants ». Déterminer le journal d'un public bien spécifique peut être délicat. Le journal d'histoire naturelle des instituteurs n'est pas obligatoirement un journal considéré comme un journal reconnu par les acteurs de ce champ, ni par les historiens des sciences d'aujourd'hui.

Des articles, des comptes rendus d'ouvrages ou d'articles publiés dans d'autres journaux, des traductions, des rubriques régulières, des lettres de lecteurs, une table de matière ou un sommaire, dans certains journaux mathématiques, une rubrique question-réponse mais aussi des nécrologies, des vita de scientifiques, des informations sur les débats dans les académies, sur la vie scientifique et universitaire, des comptes rendus de cours, des publicités.

Au 19e siècle, les journaux publiés par les maisons d'édition ont pour fonction entre autres d'informer sur leurs dernières publications.

Les pages de couverture sont aussi particulièrement intéressantes car elles indiquent souvent l'imprimeur, les lieux de distribution, les rédacteurs. Une édition électronique d'un journal ne doit pas oublier d'inclure les pages de couverture, les pages de garde et diverses publicités.

Un journal apparaît dans un certain paysage éditorial et doit y trouver sa place. Plus généralement, les évolutions de l'offre éditoriale dans son champ affectent sa politique éditoriale ; si l'on étudie une revue scientifique, il est indispensable de l'inscrire dans une première chronologie, celle de l'offre éditoriale des journaux scientifiques spécifiques à son champ.

Les journaux généralistes qui publient des rubriques scientifiques relèvent du champ intellectuel, les revues scientifiques participent de la vie du champ scientifique, et s'ils sont spécialisés, il faut les saisir dans le cadre de champs plus spécifiques. On peut pas aborder l'étude d'un journal sans le placer dans les diachronies et synchronies des champs dans lesquels il opère.

– la chronologie interne (rédaction, objectifs du journal, ...), la chronologie du ou des champs scientifiques dans lequel ou lesquels il s'inscrit mais aussi, la chronologie de l'offre éditoriale, la chronologie politique

Exemple

Les Nouvelles annales de mathématiques

Comme ce journal vise explicitement d'abord le public des élèves préparant les grandes écoles et leurs professeurs, puis à la fin les étudiants, on peut faire l'hypothèse que les programmes des concours influent sur le contenu et la forme de la revue ; il est souhaitable de considérer une chronologie des programmes des concours, des réformes de l’École polytechnique, des curricula des classes préparatoires, de l'organisation des classes de mathématiques spéciales et plus généralement de l'organisation des universités et des grandes écoles.

Ce journal apparaît à l'occasion d'un changement d'orientation du Journal de mathématiques pures et appliquées et reprend certains traits du Journal de Gergonne. De même, plusieurs journaux visent à partir des 1880 le même public des élèves des classes préparatoires ce qui oblige les Nouvelles Annales à modifier sa ligne éditoriale en direction d'un public plus universitaire. On doit donc tenir compte des dynamiques du paysage éditorial du champ mathématique en France.

Les Nouvelles annales ont une existence de plus quatre-vingt ans, ce qui suppose une succession de rédacteurs, des séries, des changements d'organisation, une vie interne dont il faut rendre compte.

Enfin, l'étude de la sociologie de la base des auteurs des Nouvelles annales fait aussi apparaître des rythmes et des périodisations.

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