Méthodologie en histoire des sciences

Petite chronologie de l'histoire des journaux scientifiques

Dans ce qui suit, « journal scientifique » signifie périodique publiant régulièrement des rubriques consacrées à de l'information scientifique au sens large. Il faut distinguer les journaux généralistes ayant une rubrique plus ou moins régulière donnant des informations scientifiques ou consacrées à la vie scientifique, des journaux spécialisés dans un domaine scientifique, les journaux de communautés professionnelles participant à l'acculturation scientifique de celle-ci...

  • Comme on l'a indiqué plus haut, l'histoire des journaux savants débute en 1665 avec la naissance à Paris du Journal des sçavans, suivi de peu des Philosophical Transactions à Londres.

Le Journal des sçavans, créé par Denis de Sallo, a souvent servi de modèle aux journaux – plus d'un millier - qui ont vu le jour tout au long du 18e siècle. Il réunit sous un même titre, des extraits, ou comptes rendus de livres, des mémoires originaux et des « nouvelles littéraires » donnant des nouvelles du monde érudit dans son ensemble.

ComplémentPropositions de lecture

Jean-Pierre Vittu, La formation d'une institution scientifique : le Journal des Savants de 1665 à 1714 [Premier article : d'une entreprise privée à une semi-institution],

Jean-Pierre Vittu, La formation d'une institution scientifique : le Journal des Savants de 1665 à 1714 [Second article. L'instrument central de la République des Lettres],

Bien que l'historiographie anglo-saxonne ait voulu faire des Philosophical Transactions le premier journal scientifique s'adressant aux acteurs mêmes de la science en train de se faire, ce journal suit sensiblement le modèle du Journal des savants, sauf que le nombre de mémoires originaux est plus important. Création de Henry Oldenburg, le secrétaire de la Royal Society, les Philosophical Transactions était cependant au départ indépendant de cette institution, comme le Journal des savants l'était de l'Académie des sciences.

La science et les mathématiques avaient une place dans l'un et l'autre de ces journaux, ainsi que dans la plupart des journaux généralistes qui ont suivi. Par exemple, le Giornale de Letterati en Italie a encouragé, voire stimulé la diffusion du calcul différentiel de Leibniz dans la péninsule italienne.

ComplémentPropositions de lecture

  • La question de la spécialisation, donc celle d'un public ou d'un marché suffisamment étendu pour faire vivre un journal consacré à la seule science ou une seule discipline scientifique, se pose dès le départ. Au début du siècle des Lumières, les rubriques scientifiques du Journal des savants occupent la fonction d'un journal généraliste en ce qui concernent les sciences, alors que les Acta eruditorum de Leipzig ont joué pour les mathématiciens le rôle d'un périodique spécialisé.

  • Il faut cependant attendre la fin du 18e siècle pour voir apparaître des journaux spécialisés en dans une seule discipline scientifique, d'abord en chimie (Chemische Annalen fondées en 1778 par Lorenz Florenz Friederich von Crell, Annales de chimie fondées par Louis Bernard Guyton, Claude Louis Berthollet, Antoine-François Fourcroy et Antoine Lavoisier), en sciences physiques et naturelles (Observations périodiques sur la physique,l'histoire naturelle et les beaux arts fondées en 1756 par Jacques Fabien Gautier d'Agoty, Observations et mémoires sur la physique, sur l'histoire naturelle et sur les arts et métiers fondées en 1773 par l'abbé Rozier...) puis dans d'autres disciplines comme les mathématiques avec le Leipziger Magazin für reine und angewandte Mathematik (1786-1788) publié par Karl Friedrich Hindenburg et Johann III Bernoulli. Certains de ces journaux ont eu du mal à trouver leur public et disparaissent très rapidement.

Couvertures des journaux
  • Un second mouvement de spécialisation, concomitant de la professionnalisation des scientifiques, s'opère au début du 19e siècle. Se multiplient alors les journaux consacrés exclusivement à la chimie, aux mathématiques, à la physique, ...

    Par exemple en France, pour les mathématiques, c'est dans ce contexte que sont éditées en 1810 les Annales de mathématiques pures et appliquées (de Gergonne), poursuivies par le Journal de mathématiques pures et appliquées (créées par Joseph Liouville en 1836) et les Nouvelles Annales de mathématiques (fondées en 1842 par Olry Terquem et Camille Gerono). Le journal de Liouville est précédé de quelques années par le Journal für die reine und angewandte Mathematik éditées à Berlin par August Leopold Crelle à partir de 1826. Au-delà de la spécialisation de ces journaux en mathématiques, les publics visés par ces journaux sont différents comme en atteste la comparaison des populations des auteurs et leur sociologie.

    Tout au long du 19e siècle, les journaux scientifiques se multiplient, correspondant à l'accroissement de la production scientifique, du nombre de scientifiques et d'institutions d'enseignement. Certains sont l'œuvre d'un individu comme les Acta mathematica du mathématicien suédois Gösta Mittag-Leffler, d'autres participent de la volonté d'autonomie d'une partie d'une communauté ( Les Mathematische Annalen deviennent rapidement le journal des mathématiciens influencés par l'école de Göttingen alors que le Journal de Crelle reste essentiellement celui de l'école de Berlin), d'autres signent l'émergence d'une communauté scientifique organisée dans une nation (journaux italiens ou polonais) ou autour d'une sous-discipline.

Couvertures des journaux
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