Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

Postérité de Binet dans le domaine pédagogique

Après la mort de Binet en 1911, il va y avoir une extension des classes de perfectionnement autour de ce concept de débilité avec un certain nombre de complexifications et puis il va y avoir toute une série d'évolutions de la vision du handicap, de la classification du handicap, qui va aboutir à la suppression des classes de perfectionnement, à l'évolution de la terminologie, à une vision beaucoup plus forte de l'éducabilité, il reste que c'est bien Binet qui a eu, malgré tout, premièrement l'idée de l'éducabilité d'enfants débiles, ceux qu'on appelait à ce moment-là des anormaux d'hospice, donc il montre que non, ce sont des « anormaux d'école », on peut les scolariser avec profit, et il montre aussi souvent qu'il y a une éducabilité de l'intelligence chez ces enfants et chez tous les enfants.

La postérité de Binet dans ces classes, c'est la question de la formation des maîtres, c'est-à-dire que dans une certaine mesure à partir du moment où l'orthopédie mentale suppose quand même une certaine habileté à pouvoir développer une psychopédagogie adaptée qui repose à la fois sur la compétence pédagogique mais aussi l'accompagnement psychologique et bien va se poser très rapidement à l'institution la question de savoir est-ce qu'il ne faut pas des instituteurs spécialisés ? et ça Binet ne l'avait pas véritablement évoqué dans un premier temps, parce que la question de la formation des instituteurs était relativement résolue pour lui puisque ces instituteurs participaient à la revue, et dans une certaine mesure pour lui c'était aussi un mode de formation, de suivi, de contrôle et de réseaux. Donc la question du fait qu'il faudrait une formation dans les écoles normales pour développer les instituteurs spécialisés ne se posait pas immédiatement en 1911, elle se posera après la seconde guerre à partir du moment où là on va mettre en place effectivement des formations adéquates qui se poursuivent aujourd'hui encore dans les écoles professionnelles qu'on est en train de mettre en place après les IUFM, où on aura un volet sur l'enseignement spécialisé.

La suite immédiate du travail de Binet, c'est l'orthopédie mentale, c'est-à-dire qu'entre 1911 et 1914, avant la guerre, dans le bulletin de la société, nous avons beaucoup de numéros sur l'orthopédie mentale, c'est-à-dire qu'est-ce que c'est que l'orthopédie mentale ? c'est des séries d'exercices particuliers que je vais proposer aux enfants après une évaluation psychologique, l'orthopédie mentale va être extrêmement prégnante à la suite de la mort de Binet jusqu'à la guerre de quatorze, après il va falloir attendre Zazzo effectivement pour que Zazzo se pose le problème de l'institutionnalisation d'un psychologue à l'intérieur de l'école et qu'il ne soit pas simplement un instituteur, qui soit quelqu'un qui soit véritablement formé comme psychologue parce que comme Zazzo le fait remarquer, Binet avait bien noté que les instituteurs étaient de très mauvais psychologues, c'est-à-dire qu'ils se trompaient, ils n'arrivaient pas à faire les bonnes notations, ils répondaient mal aux questionnaires, et donc Zazzo dit qu'il faut créer un statut véritablement avec une formation pour les psychologues scolaires ; dans une certaine mesure Zazzo non seulement par son œuvre personnelle mais aussi par l'institutionnalisation du psychologue scolaire va répondre aux vœux de Binet, même si Binet avait espéré que l'instituteur lui-même puisse devenir psychologue, mais en réalité, il n'y est pas parvenu.

La mise en place d'une pédagogie expérimentale s'est avérée et s'avère toujours extrêmement difficile pour deux raisons bien distinctes mais conjointes et que Binet avait déjà éprouvées, la première, c'est que tout ce qui concerne l'éducation, c'est évidemment du domaine public, cela intéresse tout le monde, c'est un problème familial, c'est un problème politique, c'est un problème qui s'adresse à tout le monde de sorte qu'évidemment il ne pourra échapper à l'échange d'opinions et que par conséquent c'est l'opinion qui prévaut, ne serait-ce que parce que la démarche scientifique est beaucoup plus longue et lente et qu'elle réclame de la patience.

Ce temps de la recherche n'est pas celui de l'institution, il faut quand même savoir que la durée moyenne d'un ministre de l'éducation nationale depuis maintenant plus de trente ans c'est trois années.

De sorte que les pouvoirs politiques quels qu'ils soient sont peu portés à avoir cette patience de passer par la démarche expérimentale, et puis il y a une autre difficulté qui est d'ordre plus interne, plus méthodologique, c'est celle qui consiste à établir et à maintenir le contexte expérimental dans sa rigueur et dans sa validité, par exemple comparer un groupe expérimental et un groupe témoin, comment va-t-on véritablement établir le caractère témoin du groupe témoin ? si l'expérience se maintient comment va-t-on pouvoir garantir le maintien des élèves qui sont sujets de l'expérience ? si on compare plusieurs classes va-t-on pouvoir isoler suffisamment le facteur méthodologique de l'équation personnelle constituée par le rôle de chacun des maîtres ? donc on peut dire que la pédagogie expérimentale est méthodologiquement difficile à mettre en œuvre.

Il va y avoir une rupture entre la psychologie de l'éducation qui va développer surtout les tests psychologiques pour pouvoir assurer notamment la question de l'orientation et la question du devenir psychologique de l'enfant dans ses difficultés d'apprentissage et puis les sciences de l'éducation qui vont effectivement développer une réflexion beaucoup plus sociologique, qui vont prendre dans Binet, par exemple, ce que je disais tout à l'heure sur la question des causes mixtes ou des causes extrinsèques, c'est-à-dire que Binet a mis l'accent sur la fatigue, sur les conditions sociales, sur la pauvreté, sur les difficultés de l'immigration, tout ça est déjà dans Binet, simplement il ne l'a pas théorisé comme une dimension sociologique. C'est comme si toute l'œuvre de Binet était séparée en deux parties, d'un côté la psychologie de l'éducation avec le développement des tests et de l'orientation et de l'autre côté une lecture sociale de Binet sur les conditions de l'apprentissage, le milieu, les difficultés, la rareté et la maladie parce qu'il y a aussi tout le volet éducation à la santé qui est très important chez Binet. Binet va beaucoup travailler sur la fatigue, sur la maladie, sur la malformation , toutes les dimensions physiques aussi de l'apprentissage, il y a un éclatement qui va se faire entre psychologie de l'éducation, sciences de l'éducation, éducation à la santé qui ont la même source parce que Binet les avait abordées ensemble pour décrire la situation de l'école.

Rappel

Cliquez sur le lien ci-après pour accéder à la vidéo : http://alfredbinet.univ-lorraine.fr/#posterite

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimer Université de Lorraine Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de ModificationRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)