Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

De la même manière qu'il tient à scientifiser la psychologie, il tient aussi à scientifiser la pédagogie, et à ce titre Binet va mettre en place des séquences où son ambition véritablement c'est d'observer ce qui se passe, il compare, il essaye de comparer des méthodes de lecture, des méthodes d'écriture, méthodes d'apprentissage de ceci ou de cela, même des méthodes de discipline, travail en groupe, travail individuel. Il n'est pas le seul, à la fin du XIXe siècle, il y a tout un ensemble de chercheurs aussi bien en Belgique qu'en Suisse, mais ce qui fait l'originalité de Binet, c'est qu'il est précurseur sur les questions d'observation et d'expérimentation pédagogique dans les classes.

Les instituteurs vont lui poser des problèmes concrets, comment je fais avec cet élève qui a un déficit de mémoire ? Cet élève qui est irrégulier ? Est-ce que lui il comprend telle chose alors qu'il ne comprend pas autre chose ? Et donc, à partir de ce moment-là, c'est petit à petit qu'il a apporté des réponses en termes d'exercices d'abord, avant en tout cas il propose aux instituteurs de faire des passations d'enquêtes pour améliorer la connaissance psychologique des facultés intellectuelles des enfants.

Il veut que ce que l'on propose aux enfants soit adapté à ce qu'ils peuvent faire, c'est une pédagogie différenciée mais qui repose sur une connaissance psychologique de l'élève à l'intérieur de la classe, qui ne repose pas sur un test qui serait fait à l'extérieur de la classe, mais qui serait fait par l'instituteur. Son idée est extrêmement contemporaine puisque le terme de psychopédagogie va arriver dans les écoles normales en 1970 auprès des instituteurs, non pas que l'instituteur soit l'auxiliaire du psychologue, mais que l'instituteur devienne un psychologue de sa propre pédagogie, c'est-à-dire qu'il réfléchisse à l'intérieur de la classe sur « qu'est-ce que je dois faire comme test pour adapter les exercices que je propose pour un meilleur apprentissage ? »

Est-ce qu'il est moderne ? c'est un mot que l'on utilise beaucoup au début du XXe siècle, ses collaborateurs d'ailleurs l'emprunteront pour une revue qui s'appellera « l'Éducateur moderne », mais ce qui intéresse avant tout Binet, c'est bien à un moment donné de déconstruire une pédagogie qui est empirique qui est la pédagogie traditionnelle. Concernant cette pédagogie (il ne tire pas à boulets rouges dessus, loin de là), il la compare même à une carriole qui, grosso modo, grince un petit peu mais qui a le mérite de fonctionner plus ou moins bien, mais Binet veut aller plus loin, naturellement.

Binet n'est pas un prescripteur, il ne dit pas « il faut faire ceci » il dit : « en fonction de la situation scientifique que nous avons délimitée sur les capacités de cet enfant, nous pouvons mettre en place cet exercice là parce qu'il aura une efficacité », il ne s'agit pas de dire pour tous les enfants du même type on va faire cela, non, on fait d'abord une étude particulière de cet enfant à travers des tests ou à travers des exercices et à ce moment-là on fait une remédiation, on fait une remédiation psychopédagogique voire cognitive, mais c'est au cas par cas, ce n'est pas un discours prescriptif sur ce que doit être l'enseignement.