Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

Sur l'utilisation des tests en psychologie

Au fond, le test, il me permet exactement comme un test chimique de révéler quelque chose que je ne vois pas, je ne vois pas l'intelligence, je ne peux pas déposer l'intelligence et la mettre sur la table, l'observer, la mesurer avec un mètre ruban, je ne peux la voir qu'au travers de ses manifestations. Le test, c'est ça qu'il fait : il va mettre en évidence des manifestations de l'intelligence, donc comme un révélateur chimique qui va me permettre d'identifier les composants de la matière que je ne vois pas, par le référé actif. Quand on est dans cette logique-là, il faut se rendre compte puisqu'on est dans une logique indirecte, je mesure ce qu'on appelle en psychologie un trait latent et c'est pratiquement toujours en psychologie, je ne vois pas l'anxiété, je ne vois que ses manifestations ou la mémoire, je ne vois pas la mémoire, je ne vois que ses manifestations, ce trait latent je dois essayer de l'identifier avec des révélateurs que sont les tâches que je choisis qui sont plus ou moins bonnes, donc effectivement je dois montrer et apporter des preuves que les tâches que j'ai choisies sont de bons révélateurs.

Il fut une époque où sans doute les psychologues ont été un petit peu arrogants pensant que les tâches qu'ils avaient trouvées étaient tellement bonnes qu'il n'y avait rien à discuter. C'était l'intelligence qu'on mesurait ou c'était autre chose, c'était la mémoire, et cetera, alors que ce ne sont que des approximations. On doit entrer dans une logique qui est celle, j'ai pris l'exemple des sondages d'opinion mais maintenant un sondage d'opinion s'accompagne habituellement d'une marge d'erreur, on va dire voilà les intentions de vote avec une marge d'erreur de X pour cent, donc on sait que ce n'est qu'une approximation et aujourd'hui on a beaucoup travaillé ces vingt, trente dernières années, sur justement cette idée de quelle est la marge d'erreur ? la prendre en compte cette marge d'erreur, donc on est beaucoup plus prudent dans l'usage des tests aujourd'hui, comme disait un chercheur américain, si nous voulons éviter l'erreur il faut prendre en compte l'erreur, c'est-à-dire il n'y a pas de mesure sans erreur, on a une approche à la fois plus modeste et à la fois plus rigoureuse dans le sens où les preuves que nos indicateurs sont bons, on doit constamment les apporter, c'est jamais terminé, je suis persuadé que Binet s'il avait vécu plus longtemps il n'aurait pas laissé son test comme ça, parce que je crois qu'il aurait cherché à assurer de plus en plus la validité des mesures, il aurait amélioré, c'est une tâche infinie, il n'y a aucun test qui dit, voilà j'ai le test définitif, ça ne se peut pas, aujourd'hui on connaît beaucoup mieux à la fois ces questions de marge d'erreur et ces questions de validité, et ça c'est l'évolution actuelle, et l'erreur a été pour moi de tout un courant, c'est ce que j'ai appelé le deuxième âge, c'est de prendre la mesure comme pour argent comptant, par exemple votre QI c'est 110 exactement comme votre taille c'est 1M75, non c'est pas comme ça, on ne peut pas rapporter la mesure de l'intelligence à la mesure de la taille, pour Binet c'était encore balbutiant, lui il inventait tout ça mais malheureusement et c'est regrettable pour la France, cette voie de recherche s'est malheureusement heurtée à des événements, il y a toute une série de faits historiques, qui ont fait que les tâches ont été un peu gaspillées dans son pays d'origine pour être beaucoup plus récupérées ailleurs.

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