Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

Alfred Binet et la graphologie

Binet a toujours eu une attitude critique envers ce qu'il considère comme, peut-être pas de fausses sciences , mais en tout cas des sciences et qui ne seraient pas expérimentales, il avait déjà fait ce travail avec la phrénologie et la cranioscopie, il avait passé des journées à mesurer le crâne des enfants pour montrer que tout compte fait la phrénologie n'avait pas de sens, on ne pouvait pas différencier l'intelligence d'un enfant avec la mesure du crâne, je pense que pour la graphologie il se trouve devant le même problème.

Il va s'intéresser à la graphologie dans un contexte très particulier qui est celui de l'affaire Dreyfus, on sait que Binet est pro-dreyfusard, il l'écrit dans plusieurs lettres ; Binet trouve la belle cause de Dreyfus très intéressante, et c'est le côté scientifique et curieux de Binet, il s'intéresse surtout aux méthodes de jugement, on sait qu'il a été avocat donc il écrit à propos de l'affaire Dreyfus en s'interrogeant sur les méthodes par lesquelles les juges vont pouvoir juger de la validité des arguments avancés par la défense. Il écrit à Louis Havet qui a participé à ce procès, pour conseiller aux juges de faire des tableaux récapitulatifs des arguments, ça leur permettrait de mieux juger, et c'est dans ce contexte-là finalement qu'il arrive à la graphologie, puisqu'on sait le rôle qu'a eu la graphologie dans l'affaire Dreyfus.

L'affaire Dreyfus a évoqué comment les experts soi-disant grands graphologues étaient en réalité abusés, trompés et manipulés en fournissant tout compte fait des expertises fausses.

Dreyfus est condamné en première instance parce que des experts ont montré que le bordereau, le fameux bordereau de trahison a été écrit de sa main et donc c'est sur ce bordereau-là que va aussi se jouer l'innocence de Dreyfus puisqu'il faut montrer que non, Dreyfus n'a pas écrit ce bordereau en faisant semblant de cacher son écriture, c'était tout l'enjeu de ce bordereau, donc l'expertise de Bertillon va être très discutée et c'est là qu'entre en jeu la graphologie.

Le doute s'empare de Binet, Binet est quelqu'un d'assez sceptique par rapport à ces sciences-là et donc il met à l'épreuve, (c'est aussi l'idée : je mets en place une contre-expertise de l'expert pour essayer de le tester).

Ce que va faire Alfred Binet, c'est qu'il va non pas étudier la graphologie mais étudier les graphologues ,il va faire passer des tests à des graphologues pour voir s'ils arrivent à reconnaître l'âge, le sexe des gens qui ont écrit les lettres et ensuite il fait un traitement statistique des réponses pour envisager expérimentalement si la graphologie est une science sérieuse.

Dans les résultats que publie Binet, le but n'est pas tellement de montrer que c'est absolument faux mais c'est de dire que ce n'est pas absolument vrai, on arrive à un pourcentage de ressemblance qui pourrait être de cinquante cinquante, de soixante quarante.

Il va traiter ça de manière statistique, or Binet n'est pas un grand mathématicien, il va donc faire des erreurs grossières , ce que va lui reprocher Émile Borel qui lui est un grand mathématicien spécialiste de la question statistique, en tout cas qui s'intéresse à cette époque-là au retour de la statistique, et qui va échanger avec Binet en lui disant : « vous avez fait des erreurs sur tel point ou sur tel point », et Binet va s'enrichir de ce débat-là avec Borel. Cette question de la graphologie intervient dans ce domaine-là, à la fois Binet a pour ambition de fonder l'expertise, que si on fait appel à une science dans un tribunal il faut que cette science soit validée, si on fait appel à la graphologie il faut que ce soit validé, l'ambition aussi de pouvoir utiliser la psychologie expérimentale que lui fait pour pouvoir fonder autre chose, dans cet exemple la psychologie vient au secours de la graphologie pour montrer que c'est une science ; d'un seul coup la psychologie acquiert une dimension supplémentaire, une dimension qu'on dit épistémologique, c'est-à-dire qu'elle peut parler de la validité de certaines sciences, ça devient presque une méta-science, un outil d'expertise à elle toute seule, et en plus Binet a tout intérêt à faire ça puisque dans sa démarche de construction de la psychologie expérimentale, la psychologie scientifique, il veut aussi faire valoir cette psychologie scientifique, ce que lui a fait dans son laboratoire, il convainc ses collègues, dans sa revue, dans ses publications, mais il a très vite compris l'importance de convaincre le public, de convaincre la société, l'importance de cette psychologie donc son traitement de la graphologie lui sert à montrer que la psychologie a une utilité sociale, cette psychologie scientifique dans ce cas-là, il y aura d'autres études sociales dans le cas de l'éducation, dans le cas du traitement de l'intelligence.

Rappel

Cliquez sur le lien ci-après pour accéder à la vidéo : http://alfredbinet.univ-lorraine.fr/#l_evaluation_de_la_graphologie

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