Alfred Binet - naissance de la psychologie scientifique

Une démarche pionnière

Binet fait partie des gens qui sont des pionniers, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas dans des gestions de carrière, c'est-à-dire que lui, économiquement, il est libre, il vit de rentes qui sont des rentes familiales, il va payer de sa poche l'Année psychologique, il paye les factures donc il n'a pas besoin d'un métier, économiquement, pour vivre, par contre il est dans une quête de reconnaissance indéfinie et dans cette quête de reconnaissance indéfinie, il va multiplier sans cesse les objets, les institutions, les revues, les collaborations sans se soucier de la question de la trace de l'héritage, de la transmission puisque tout compte fait il n' a pas d'école, il n'a pas de docteur de thèse qui le dirige, il n'a pas d'étudiants, il va perdre les quelques collaborateurs qu'il a, qui vont aller travailler avec d'autres, qui eux peuvent assurer à leurs collaborateurs une situation pérenne au niveau économique et professionnelle et donc il marche en avant, sans forcément regarder derrière, on le voit d'ailleurs dans le fait qu'il va sans cesse multiplier les articles et les traductions, les rencontres, les correspondances mais jamais il ne se pose la question du bilan ou de la réédition de ses ouvrages.

Il est toujours dans l'idée qu'il faut avancer dans cette étude jusqu'à trouver quelque chose qui va permettre véritablement une reconnaissance ou une situation, donc dans une certaine mesure c'est une stratégie à la fois de l'échec puisqu'il cherche sans cesse, il échoue sans cesse à se faire reconnaître mais en même temps ça lui permet de se déplacer sans cesse c'est-à-dire d'être innovant, d'aller vers de nouveaux objets, d'inventer des choses et qui, aujourd'hui encore, vont être reprises, autour du test de l'intelligence autour de la question de l'évaluation des enfants handicapés, autour des classes spécialisées, mais chaque fois il va être obligé de s'insérer dans des milieux déjà constitués et donc il est en lutte chaque fois avec les médecins qui sont en place, Bourneville par exemple, sur les classes spécialisées qui fait déjà un travail considérable sur cette question. Il va se trouver en butte au monde de la psychiatrie lorsqu'il va commencer à faire la classification entre les idiots, les imbéciles et les débiles, et même si Théodore Simon va s'emparer de la succession, Piaget explique très bien d'ailleurs que, quand Zazzo et Piaget vont reprendre l'héritage de Binet, tout compte fait, ils vont reprendre les phases de développement de l'intelligence, mais ils ne vont pas forcément développer l'œuvre de Binet en tant que telle.

Donc je résumerais en disant que c'est une fuite en avant mais les véritables créateurs ce sont des gens qui ne se posent pas la question de la gestion de leur patrimoine ou la question du doctorant, c'est-à-dire qu'ils sont capables de changer d'objet parce qu'en réalité ils poursuivent toujours le même fil rouge, c'est-à-dire que le fil rouge c'est quand même la cognition, comment fonctionne l'esprit humain. Simplement Binet va prendre des objets, l'hystérique, l'idiot, la personne handicapée, il va simplement faire des variations, alors bien sûr, après coup, on voit bien le fil mais dans le mode d'existence de Binet, je pense que peu de gens l'ont vu parce qu'ils avaient l'impression qu'il se déplaçait sans cesse mais pour moi ce ne sont que des variations d'une même thématique.

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