Six questions clés de philosophie des sciences

Évolution et créationnisme

La démarcation aujourd'hui : exemple du créationnisme - – Entretien avec Anne-Françoise Schmid, Maître de Conférences habilitée à diriger des recherches à l'Institut National des Sciences Appliquées de Lyon et responsable des "Archives Louis Couturat" aux Archives Henri Poincaré.

C'est un débat qui traverse pratiquement tous les pays d'une façon plus ou moins forte, avec plus ou moins d'interdits.

D'une part, on a les tenants de l'évolution. Par contre, les interprétations varient entre fait, fait rationnel, concept, théorie, théorie unificatrice des diverses disciplines de la biologie, tautologie nécessaire au travail biologique, etc. Il y a bien des travaux sur Darwin, et c'est à lui que l'on se réfère le plus souvent plutôt qu'à la biologie contemporaine. Il y a donc des décalages dans l'argumentation, probablement parce que le concept d'évolution apparaît comme trop évident pour les tenants de la science classique.

De l'autre côté, il y a des croyants relevant des religions monothéistes qui proclament un créationnisme plus ou moins dur, ressemblant plus ou moins aux textes sacrés, du créationnisme en 7 jours ou d'un Intelligent Design, affirmant qu'un monde si complexe que le nôtre ne saurait être crée sans un dieu.

Certains pensent qu'il suffit d'expliquer les méthodes scientifiques classiques pour confondre les créationnistes les plus durs. C'est oublier qu'ils ont eux-mêmes beaucoup réfléchi sur les méthodes, et ils utilisent souvent Popper pour montrer que l'évolution n'est pas une théorie scientifique, parce qu'elle n'est pas réfutable au même sens que les théories de la physique. Eux-mêmes sur les campus abordent les étudiants selon le schéma suivant : il y a deux voies, celle de Darwin et des sciences, celle de la religion et c'est à toi de choisir. Ils mettent donc sur le même plan la Bible et la science. On sait que cela a donné lieu à de multiples procès aux États-Unis, sur le droit d'enseigner la théorie de l'évolution dans les écoles. Lors de certains d'entre eux, on a pris des témoins épistémologues, donc spécialistes des sciences, et les juges n'ont pas toujours trouvé déterminants leurs arguments. Il arrive que ce soit le juge qui finalement décide de la scientificité des textes ! De plus, les créationnistes utilisent des arguments qu'ils veulent scientifique, géologie, archéologie, paléoanthropologie, comparaison de fossiles et d'espèces modernes pour étayer leurs dires. Évidemment, ces « faits » ne sont pas utilisés comme dans leur cohérence scientifique, mais utilisés en fonction des occasions et des besoins d'une argumentation religieuse.

Actuellement, on parle de valeurs en sciences, on parle d'éthique scientifique ou d'éthique technologique. Aux yeux des croyants, pourquoi ne parlerait-on pas au même titre de religion ? Là aussi le débat n'est plus aussi simple qu'il pouvait paraître au début.

Or les critères classiques ne fonctionnent plus de façon universelle. Que faire ? Peut-être raisonner autrement que par critères. Nous proposons un « critère » de démarcation d'un autre type.

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