volet 2
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Historique

QUELQUES POINTS HISTORIQUES

Nous avons vu dans la partie historique du volet 1 que si les éléments de base de la théorie quantique sont apparus lentement entre 1900 et 1920, les choses se sont précipitées par la suite. La thèse de De Broglie en 1923 jette les bases de la dualité onde-corpuscule : une onde peut être corpuscule (photon), et une particule massique peut être onde (électron par exemple). Il fallait donc trouver une équation d'onde applicable à une particule de masse m. Et il fallait nécessairement que la constante h apparaisse quelque part. E. Schrödinger propose son équation non relativiste en 1926 (donc pas applicable au photon !), et la mécanique ondulatoire est née. Une autre approche, dite matricielle, est proposée simultanément par W. Heisenberg, M. Born et P. Jordan mais elle reste dans un premier temps en quelque sorte ignorée car très mathématique, même si Schrödinger montre que cette théorie matricielle est identique à la mécanique ondulatoire. Cette mécanique ondulatoire permit de déterminer par le calcul les niveaux d'énergie obtenus par Bohr pour l'atome d'hydrogène. De la même manière, elle permet de prédire l'effet tunnel : une particule quantique peut passer à travers une barrière de potentiel (à condition que cette barrière soit d'épaisseur faible, en dessous du nanomètre pour les électrons). Ce phénomène permit à G. Gamov d'une part et R.W. Gurney et E.U. Condon d'autre part d'expliquer en 1928 la désintégration alpha : les noyaux lourds peuvent émettre spontanément des particules alpha (noyau d'Hélium ionisé constitué de 2 protons et 2 neutrons). En effet, alors même que des énergies gigantesques seraient nécessaires pour vaincre l'attraction du noyau, on détecte tout de même ce phénomène. En fait, cette émission est possible par effet tunnel, ne nécessitant pas ces énergies énormes. Une loi exponentielle est trouvée théoriquement, et effectivement vérifiée expérimentalement pour un très grand nombre de noyaux comme le montre les figures suivantes.

Schématisation du mécanisme d'émission d'un noyau d'hélium 4 par effet tunnel. Source : http://physique.coursgratuits.net/physique-nucleaire/phenomenes-radioactifs.php
Schématisation du mécanisme d'émission d'un noyau d'hélium 4 par effet tunnel. Source : http://physique.coursgratuits.net/physique-nucleaire/phenomenes-radioactifs.php
Vérification de l'effet tunnel sur un grand nombre de noyaux, montrant la décroissance exponentielle de la période d'émission due à la décroissance exponentielle de la probabilité de transmission. Tiré du livre : Physique Quantique : Cours de Berkeley – Tome 4, par Eyvind Wichmann, Armand Colin - 1971
Vérification de l'effet tunnel sur un grand nombre de noyaux, montrant la décroissance exponentielle de la période d'émission due à la décroissance exponentielle de la probabilité de transmission. Tiré du livre : Physique Quantique : Cours de Berkeley – Tome 4, par Eyvind Wichmann, Armand Colin - 1971[Zoom...]

La prise en compte de potentiels divers dans l'équation de Schrödinger se tourne alors vers d'autres formes que la barrière, le puits, ou le potentiel coulombien. En effet l'énergie potentielle peut également provenir d'un champ magnétique ou électrique extérieur par exemple. Des expériences sous champ sont donc réalisées, avec à l'esprit la levée de dégénérescence sur les niveaux de nombre quantique orbital non nul puisqu'il en résulte un moment magnétique orbital sensible à un champ magnétique : c'est l'effet découvert par P. Zeeman en 1898, qui observa des raies supplémentaires sur les spectres d'émission atomique. En théorie quantique en considérant le moment magnétique orbital, il existe 2l+1 états possibles puisque le nombre quantique ml varie entre –l et +l. On doit donc observer un nombre impair de raies. Problème, les expériences d' O. Stern et W. Gerlach en 1922 montrent un nombre pair de raies, et plus de raies qu'il ne faudrait. On observe en fait 2(2l+1) raies ! Ces constats poussent G. Uhlenbeck et S.A. Goudsmit à considérer en 1925 qu'il existe une autre grandeur inconnue en physique classique : c'est l'apparition du spin de l'électron, qui est un moment cinétique et qui donne un moment magnétique intrinsèque à l'électron. Le spin de l'électron peut prendre 2 valeurs, expliquant ainsi le nombre pair de raies observées par effet Zeeman. Parallèlement, W. Pauli exprime en 1925 son fameux principe d'exclusion de Pauli indiquant que deux électrons ne peuvent occuper un même état quantique. Dorénavant, tous les nombres quantiques et les principes de base sont réunis pour décrire correctement les édifices atomiques.

Dès lors, la physique quantique permettra de faire des prévisions tout à fait originales et aboutira à des réalisations tout à fait remarquables. Citons en quelques exemples sans pour autant être exhaustif. Isaac Rabi prévoit en 1937 qu'un jet de particules dans un champ magnétique peut subir des oscillations entre 2 états quantiques (on parle d'oscillations de Rabi, vues par exemple dans les exercices sur le MASER ou sur la RMN). A la suite de ce travail, la Résonance Magnétique Nucléaire naît par les expériences de E.M. Purcel et E. Bloch ux USA en 1946. Parallèlement à ces travaux, C. Townes, J. Gordon at H. Zeiger invente le MASER en 1953 qui fonctionne également avec deux niveaux d'énergie et un champ appliqué conduisant à des oscillations de Rabi, mais cette fois ce champ est électrique. Ces dispositifs fonctionnent à partir d'un phénomène connu déjà depuis longtemps : en effet, dans la cavité où s'opèrent les oscillations de Rabi, c'est le champ oscillant qui provoque ces oscillations par le mécanisme démission stimulée. Alors à quand un dispositif d'amplification pour des ondes lumineuses ?

A gauche, Isidor Isaac RABI qui prédit les oscillations dites de Rabi et reçu le prix Nobel de Physique en 1944. Au centre et à droite, E.M. Purcel et F. Bloch qui mirent aux points la RMN en 1946, et obtinrent le prix Nobel de physique en 1952.
A gauche, Isidor Isaac RABI qui prédit les oscillations dites de Rabi et reçu le prix Nobel de Physique en 1944. Au centre et à droite, E.M. Purcel et F. Bloch qui mirent aux points la RMN en 1946, et obtinrent le prix Nobel de physique en 1952.[Zoom...]

La première solution à ce problème fut apportée par le physicien français Alfred Kastler en 1949 : le pompage optique. L'idée est d'utiliser un système quantique à 3 niveaux et de peupler le plus haut niveau grâce à une lumière intense, permettant ainsi l'inversion de population sur les deux autres niveaux inférieurs. Il obtint le prix Nobel de physique en 1966 pour ce travail théorique. Dans la pratique, cette méthode d'inversion de population est très coûteuse en énergie. Au début des années 60, N. Bloembergen (prix Nobel en 1981, encore pour cette découverte) et A.M. Prokhorov ont proposé un dispositif fonctionnant avec 4 niveaux d'énergie, permettant ainsi d'obtenir l'inversion de population mais cette fois pour un rendement énergétique beaucoup plus favorable. Le LASER était né, après une très longue période de gestation !

Un autre domaine d'importance est l'apport de la physique sur les propriétés de la matière condensée, c'est-à-dire lorsque les atomes sont disposés les uns à côté des autres. Felix Bloch démontra en 1928 que les électrons dans un cristal se propagent presque comme des électrons libres. Dès 1933, une véritable théorie quantique de la matière condensée fut établie grâce aux contributions de nombreux acteurs comme Heisenberg, Pauli, Bethe, Wigner, Slater, Mott,... La structure électronique en bande d'énergie est démontrée, et on explique enfin pourquoi certains matériaux conduisent le courant alors que d'autres non. Ce nouvel axe d'étude conduit à la découverte de l'effet transistor par J. Bardeen et W. Brattain en 1949. La voie était ouverte à la fabrication d'une électronique toujours plus complexe et compacte, qui a conduit à nos ordinateurs ou téléphones portables d'aujourd'hui.

D'autres réalisations techniques furent le produit de cette nouvelle théorie, et ce n'est pas l'objectif de ce propos que d'en dresser une liste exhaustive. En revanche, nous nous devons de parler des avancées majeures sur l'appréhension du monde quantique apportées par le refroidissement LASER étudié conjointement par le groupe de C. Cohen-Tanoudji à l'ENS et S. Chu et D. Phillips de l'université de Stanford aux USA. Ils mirent au point le refroidissement d'atomes à des températures jamais atteintes, de l'ordre du microkelvin (µK). Ils se virent délivrer tous les trois le prix Nobel de physique en 1997 pour cette découverte. La maîtrise de gaz de particules confinées dans un piège magnéto-optique permet la réalisation de condensats de Bose –Einstein (où tous les atomes bosoniques sont sur un même niveau d'énergie), ouvrant ainsi la voie à l'étude de phénomène quantique collectifs comme la superfluidité ou la supra conductivité, phénomènes quantiques par excellence. Supraconductivité étudié par un autre grand physicien français, Pierre Gilles de Gennes, qui reçut lui aussi le prix Nobel de physique en 1991. Le groupe de Serge Haroche au laboratoire Kastler-Brossel de l'ENS travaille également sur les atomes froids, mais ce qui les intéresse, c'est cette superposition étrange d'états prédit par la physique quantique (l'intrication) et qui fait débat depuis si longtemps. Le groupe d'Alain Aspect en montre les conséquences spectaculaires dans les expériences de paires de photons intriqués par leur spin réalisées en 1981, illustrant encore une fois la véracité des prédictions quantiques.

A gauche, Alfred Kastler, prix Nobel en 1966 pour ces travaux sur le pompage optique. Au centre, Pierre-Gilles de Gennes, chercheur à l'ESPCI, prix Nobel de physique en 1991 pour ses travaux sur les cristaux liquides et les polymères. Il contribua également en physique quantique par ses travaux sur la supraconductivité. A droite, Georges Charpak, prix Nobel l'année suivante pour son invention des détecteurs de particules multifils
A gauche, Alfred Kastler, prix Nobel en 1966 pour ces travaux sur le pompage optique. Au centre, Pierre-Gilles de Gennes, chercheur à l'ESPCI, prix Nobel de physique en 1991 pour ses travaux sur les cristaux liquides et les polymères. Il contribua également en physique quantique par ses travaux sur la supraconductivité. A droite, Georges Charpak, prix Nobel l'année suivante pour son invention des détecteurs de particules multifils[Zoom...]

Mais pourquoi de tels états superposés ne sont-ils pas observables directement, comme le soulignait A. Einstein à la fin de sa vie ? Le groupe de S. Haroche à l'ENS et de D. Wineland au NIST (USA) apportent des éléments de réponse qui leur a valu le prix Nobel de physique en 2012. En créant un champ constitué d'états superposés avec quelques photons entre deux miroirs parfaitement réfléchissant, ils montrent par une détection subtile utilisant des atomes froids que ces états superposés ont une durée de vie très courte, et d'autant plus courte qu'on rajoute des photons dans la cavité. C'est le phénomène de décohérence quantique qui permet d'appréhender un peu mieux le passage quantique-classique qui devient quasiment instantané dès que le nombre de particules devient supérieur à quelques unités. Mais ces découvertes récentes, si elles permettent d'appréhender un peu mieux le monde quantique, posent souvent de nouvelles questions. Beaucoup de scientifiques de renom (comme Einstein ou Feynman pour ne citer qu'eux) ont dit quelque chose du genre : « que celui qui croît comprendre la physique quantique vienne me l'expliquer ». Nous disposons d'une théorie mathématique très puissante, mais finalement nous n'en comprenons pas encore bien les concepts. Nul doute que les tentatives de compréhension de la physique quantique feront encore couler beaucoup d'encre !

A gauche, Claude Cohen-Tanoudji, prix Nobel en 1997 pour ces travaux sur les atomes ultra-froids, au centre, Alain Aspect, prix Wolf en 2012 pour ses travaux sur l'intrication, et à droite, Serge Haroche, prix Nobel de physique en 2012 pour ses travaux sur la décohérence quantique.
A gauche, Claude Cohen-Tanoudji, prix Nobel en 1997 pour ces travaux sur les atomes ultra-froids, au centre, Alain Aspect, prix Wolf en 2012 pour ses travaux sur l'intrication, et à droite, Serge Haroche, prix Nobel de physique en 2012 pour ses travaux sur la décohérence quantique.[Zoom...]
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