Applications dans les labos
LA RESONANCE FERROMAGNETIQUE : « RMN » APPLIQUEE A L'ELECTRON
Nous avons étudié la Résonance Magnétique Nucléaire en exercices d'application du chapitre III. Cette technique permet d'étudier la dynamique de l'aimantation des spins associés au proton de l'atome d'hydrogène. Elle s'applique également aux électrons, plus particulièrement au milieu possédant une aimantation liée aux électrons. On ne parle évidement plus de RMN car les moments des noyaux sont beaucoup plus faibles que les moments magnétiques des matériaux aimantés venant des électrons : on parle alors de Résonance FerroMagnétique, RFM ou FMR an anglais pour FerroMagnetic Resonance.
Comme en RMN, la méthode consiste à faire précesser l'aimantation du milieu en appliquant un champ radiofréquence (RF) en plus d'un champ statique. On réalise en général une telle expérience dans un champ statique créé par des bobines par exemple (on peut donc régler l'intensité du champ statique), additionner d'une antenne qui permet l'excitation radiofréquence permettant d'imposer la précession. Deux modes de fonctionnement existent. Un premier mode consiste à appliquer l'excitation sinusoïdale à fréquence constante et faire varier la fréquence de Larmor en changeant l'intensité du champ statique (la fréquence de Larmor est proportionnelle à l'intensité du champ statique, voir exercice sur la RMN). La seconde est exactement l'inverse, à savoir laisser fixe le champ statique et chercher la résonance avec l'excitation dynamique variable en fréquence. Lorsque l'excitation rentre en résonance avec une transition entre niveaux d'énergie produite par le champ magnétique statique, il y a alors absorption forte du signal d'excitation. Les moments magnétiques associés au spin dans un matériau magnétique se mettent à précesser. Il existe néanmoins une différence notable avec les spins des protons : dans un matériau ferromagnétique les spins sont très fortement couplés entre atomes voisins (d'ailleurs responsable de l'ordre magnétique à longue distance dit ferromagnétisme). Il n'est donc en général pas possible de renverser l'aimantation comme dans le cas des protons. On peut néanmoins créer une précession soit collective (tous les spins tournent tous en phase) ou bien des ondes de spins (les spins tournent avec un déphasage conduisant à une onde associée à cette précession décalée d'un atome à l'autre et donc à une onde dite de spin).
La RFM est ainsi un moyen de caractériser les propriétés magnétiques dans les matériaux magnétiques, et est actuellement très utilisée pour la caractérisation de films minces magnétiques, particulièrement utilisés en spintronique (voir application dans l'industrie – les têtes magnétorésistives). Elle permet d'accéder au facteur gyroscopique défini dans le cours (reliant l'aimantation au spin), au facteur d'amortissement du mouvement de précession (qui est responsable après coupure du champ dynamique au retour de l'aimantation le long du champ statique appliqué), à l'anisotropie magnétique (l'aimantation préfère s'orienter selon certaines directions plutôt que d'autres) ou à la détection et aux comportements des ondes de spin par exemple.
Notons que très récemment la technique s'est développée en associant la microscopie à force magnétique. Il s'agit de détecter la puissance absorbée par les spins et réémises, par une pointe de microscope AFM terminée par une sphère magnétique. Le champ oscillant réémis fait ainsi vibrer le levier, et les mouvements sont alors détectés par réflexion d'un faisceau laser. Le schéma de principe ainsi qu'un exemple de mesure sont montrés sur le schéma ci-après. En spintronique, le contrôle de la fréquence de précession de l'aimantation permet de réaliser des oscillateurs de fréquence accordable très prometteurs pour de nombreuses applications, comme en télécommunication par exemple.
LA RMN APPLIQUEE A LA CHIMIE
Pour en savoir sur la RMN :
Le grand public connaît de près ou de loin l'IRM, Imagerie par Résonance Magnétique, moyen de « radiographie » maintenant commune dans nos hôpitaux, et abordé dans le chapitre application dans l'industrie. Ce type d'analyse est basé sur le phénomène de Résonance Magnétique Nucléaire dont nous avons donné le principe dans l'exercice d'application 1 du chapitre III. Mais cette technique est également très largement utilisée par les scientifiques dans les laboratoires et plus particulièrement par les chimistes. Nous nous proposons ici de comprendre pourquoi une telle technique fournit des renseignements très précieux sur la matière (liquide ou solide) et d'énumérer les différents types de renseignements accessibles.
Tout d'abord, nous avons examiné la RMN de l'atome d'hydrogène, dont le noyau constitué d'un proton de spin ½ est le type d'élément le plus simple à examiner. Mais il existe d'autres noyaux possibles : il « suffit » qu'ils possèdent un moment magnétique résultant du moment de spin total du noyau. Le noyau peut être modélisé en physique quantique (modèle dit « en couche ») et on montre ainsi que les niveaux d'énergie sont remplis comme pour les électrons en appariant les protons en paire de spins opposés (de même pour les neutrons). Pour H, c'est très simple, il n'y a qu'un proton donc le spin est ½ . Prenons le cas du carbone 12C, le plus abondant, dont le noyau est constitué de 6 protons et 6 neutrons. En raison de la règle précédente, on aura donc 3 paires de protons de spins opposés et idem pour les neutrons. Donc le moment de spin en résultant est nul, on ne peut pas faire de RMN sur le carbone le plus abondant dans la nature. En revanche, il n'est pas nul pour d'autres éléments comme montré dans le tableau suivant :
Il est ainsi possible de réaliser des expériences de RMN sur d'autres atomes que l'hydrogène. Notons que si un élément chimique de la nature n'est pas sensible en RMN, certains de leurs isotopes peuvent l'être, comme les isotopes 13C et 17O par exemple.
Mais la valeur du spin du noyau n'est pas le seul paramètre exploitable en RMN. En effet, nous avons vu que la fréquence de résonance de Larmor est proportionnelle au champ magnétique statique appliqué. Tout phénomène susceptible de faire varier cette fréquence peut en théorie être détecté et exploité afin d'obtenir des informations sur le milieu. En voici les origines les plus étudiées :
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Le noyau ne « voit » pas forcément ce champ extérieur si un champ magnétique « intérieur » existe. L'origine d'un champ interne peut provenir du cortège électronique autour du noyau, qui crée un champ qui peut ne pas être nul en moyenne. Le noyau verra donc un champ magnétique total différent du champ externe, et sa fréquence de résonance en sera d'autant décalée. On parle de décalage chimique. L'étude des décalages en fréquence permet d'obtenir des renseignements sur l'environnement des atomes d'hydrogène par exemple (dans les groupement CHn par exemple comme le montre la figure ci-après).
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Les phénomènes de couplage entre spin du noyau avec le spin d'un noyau voisin peuvent également être détectés. En effet, nous avons vu dans les exercices d'applications du chapitre III que les couplages entre moments cinétiques conduisent à un terme d'interaction supplémentaire dans l'hamiltonien. Ce terme supplémentaire peut faire apparaitre des levées de dégénérescence et des nouveaux niveaux d'énergie. Les spectres de RMN peuvent alors faire apparaître de nouvelles fréquences de résonance, ou des doublets (voir figure ci-après).
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Dans les liquides, on ne voit en général pas d'effet de directionalité des interactions, en raison de l'effet de moyenne induite par le désordre. Il n'en est rien dans des solides (molécules cristallisés en réseau, polymères...). Ainsi les interactions de type dipolaire ou quadripolaire provoquent des effets anisotropes en ce sens qu'ils dépendent de l'orientation du champ par rapport aux interactions. Il est ainsi possible de déterminer l'orientation de groupes moléculaires dans un édifice par exemple.
Les techniques d'analyse par RMN sont en plein essor. Elles s'appliquent en chimie organique, en biologie, en physique et évidemment en médecine. Elles sont la source d'intenses recherches en laboratoire. Un exemple d'appareillage commercial pour des analyses en recherche est donné sur l'image ci-après. Ces techniques nécessitent souvent d'utiliser les basses températures, d'une part pour créer des champs magnétiques forts, mais aussi pour étudier les échantillons en fonction de la température et obtenir une meilleure résolution.
LES ATOMES ULTRA-FROIDS, TESTS DE LA PHYSIQUE QUANTIQUE
Depuis le début des années 80, un nouveau moyen de diminuer la température d'un gaz d'atomes ou de molécules a été mis au point grâce au LASER. L'idée est simple : le LASER est constitué de photons qui possèdent une quantité de mouvement dans la même direction. On peut ainsi espérer réduire la vitesse d'une particule se déplaçant en sens inverse après absorption du photon : la conservation de la quantité de mouvement en effet devrait assurer ce ralentissement. Cette idée appliquée à des électrons libres ne fonctionne malheureusement pas : dans ce cas il n'est pas possible de satisfaire simultanément la conservation de l'énergie et de la quantité de mouvement (voir exercice sur le refroidissement LASER du volet 1). En revanche, si l'électron est lié dans l'atome, c'est alors possible, la conservation de l'énergie étant dirigée par l'absorption d'un photon par le cortège électronique de l'atome et la conservation de la quantité de mouvement par le recul du noyau et donc de l'atome ainsi ralenti. Mais attention, ce mécanisme n'est efficace que si l'énergie (et donc la fréquence) du LASER est accordée à une transition électronique de l'atome. L'idée est donc d'envoyer dans une direction de l'espace un faisceau d'atomes émis par évaporation par exemple, et de le soumettre à un faisceau LASER en direction opposée. Il faudra donc, pour accorder la fréquence du LASER, prendre en compte l'effet DOPPLER puisque l'atome se déplace. C'est en fait un atout, car si on veut ralentir tous les atomes du jet, caractérisé par une distribution des vitesses, on peut alors utiliser deux faisceaux LASER tête-bêche. En effet, l'effet DOPPLER n'est pas le même pour les atomes qui se déplacent vers le 1er LASER ou le 2nd. Le 1er LASER ralentira donc les atomes venant vers lui, disons dans le sens positif, alors que la 2ème LASER ralentira ceux venu en sens inverse. En utilisant un jeu de six LASERs (en réalité trois LASERs et trois miroirs), on peut donc obtenir un gaz extrêmement lent de particules, comme le montre la figure suivante :
Il est ainsi possible d'amener des atomes émis avec une vitesse aux alentours de 300 m/s à des vitesses quasiment nulles et ce sur une distance typique de 50 cm (voir exercice du volet 1). Si la vitesse des atomes diminue, cela implique que la température diminue. Des records de basse température ont été atteints avec ce dispositif, à savoir jusqu'à 10-6K (microkelvin). Ajoutons pour terminer que les LASERs seuls ne permettent pas de garder les atomes très longtemps dans la cellule. On ajoute alors un piège magnétique grâce à des bobines (schématisées par les boucles σ sur le schéma précédent). L'idée est la suivante : le champ magnétique est nul au centre et augmente à mesure qu'on s'écarte du centre. Ce champ lève la dégénérescence de niveaux électroniques par effet Zeeman : les électrons du cortège électronique des atomes absorbent donc les photons dès que les atomes s'écartent du centre et sont donc ramenés vers le centre de la cellule, d'où le nom de piège magnéto-optique. La mise au point de ce dispositif réalisé par l'équipe de Claude Cohen-Tannoudji de l'ENS en collaboration avec une équipe américaine du MIT-Bell Labs a valu le prix Nobel de physique en 1997 à C. Cohen-Tannoudji, S. Chu et W. Phillips.
En quoi ces atomes ultra-froids sont-ils intéressants pour la physique ? Cette réalisation a permis des avancées majeures en physique ces dernières années. Citons trois points marquants :
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Tout d'abord, cette technique a permis de fabriquer un état de la matière prévue depuis très longtemps et jamais réalisé par l'homme avec des atomes : c'est la condensation de Bose – Einstein. Nous avons vu en effet que si des fermions ne peuvent être sur un même état quantique, il n'en est pas de même pour des bosons. Des condensats bosoniques ont ainsi pu être créés grâce à ces pièges sur quelques milliers d'atomes de Rubidium en 1997 par une équipe américaine. Des condensats ont pu être fabriqués par d'autres équipes dans le monde, ouvrant la voie à des recherches prometteuses sur les propriétés physiques remarquables de tels condensats (LASERs à atomes, compréhension de la superfluidité, etc...).
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Mais ce n'est pas le seul domaine d'intérêt. Nous avons vu dans l'exercice sur l'horloge atomique que la stabilité de telles horloges peut être améliorée en diminuant la température du gaz choisi d'atomes ou de molécules. Des stabilités inférieures à 10-15 sont obtenues actuellement en laboratoire, soit une stabilité d'une seconde en 30 millions d'années !
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Grâce à ces pièges d'atomes ultra-froids il est devenu possible de réaliser une expérience d'interférence avec des atomes ! C'est une équipe japonaise qui a réussi en 1992 à créer un faisceau d'atomes de Néon tous en phase et de grande longueur d'onde (puisque les atomes sont froids, leur énergie est faible) et de le faire interférer à travers des fentes comme dans l'expérience des fentes d'Young. Ils ont observé une image d'interférence confirmant le caractère ondulatoire de ces atomes (voir F. Shimizu, K. Shimizu, H. Takuma, Phys. Rev. A 46, R17–R20, 1992).
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Nous avons également vu qu'avec les LASERs il est possible de fabriquer des réseaux optiques (experience de Kapitza-Dirac, voir exercices volet1). Ainsi dans ce type de dispositifs, il est possible de piéger les atomes dans les nœuds du réseau optique séparés de quelques microns, créant ainsi un cristal virtuel, ce qui a été effectivement réalisé par plusieurs groupes dans le monde.