Physique Quantique : de la base aux nouvelles technologies
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Applications dans les laboratoires chapitre 2

INTRODUCTION GENERALE

La diffraction des particules par un cristal est un phénomène très largement utilisé dans les laboratoires pour la caractérisation de la matière, qui peut être rencontrée sous forme condensée, liquide ou gazeuse, jusqu’à la matière biologique. Les techniques de diffraction doivent donc être adaptées à l'état de la matière. Mais la diffraction amène aussi à observer la matière à l’échelle atomique, et a conduit à la réalisation de microscopes toujours plus puissants. Nous nous proposons d’exposer les principes et utilisations de quelques instruments couramment sollicités par les équipes de recherche. Encore une fois, nous insisterons sur la taille des instruments. Nous distinguerons ainsi les appareillages de taille et de coût raisonnables qui peuvent être acquis par un laboratoire, au contraire d’appareillages beaucoup plus conséquents nécessitant des infrastructures spécifiques, appelés grands instruments. Ces grands instruments, comme les synchrotrons que nous avons vu au chapitre 1, sont des laboratoires à eux seuls et sont mis à la disposition de la communauté scientifique, que ce soit au niveau national ou le plus souvent, internationale. Vous pouvez librement vous connectez aux sites de ces grands instruments où vous trouverez foules de documents explicatifs. En France, il existe deux synchrotrons, SOLEIL à Saclay et l’ESRF à Grenoble, et deux réacteurs dédiés à la production de neutrons, l’ILL à Grenoble et le LLB à Saclay.

1 - La diffraction de rayonnement

Principe général

Le phénomène de diffraction permet comme vous l’avez vu en exercice, d’accéder à la structure cristallographique de la matière. Le rayonnement utilisé peut être constitué de photons X, de neutrons, ou plus spécifiquement d’électrons. Nous nous proposons d’examiner les appareillages de diffraction de rayons X et de neutrons.

Commençons par la diffraction des rayons X. Il existe dans la pratique 2 types d’appareillages : les appareils de laboratoire, qui travaille à longueurs d’onde fixe, voire avec plusieurs longueurs d’onde, au contraire des synchrotrons qui autorise à réaliser des expériences de diffraction sur toute une gamme de longueur d’onde. Les informations obtenues à l’aide d’un synchrotron sont donc beaucoup plus riches, mais bien souvent la détermination de la structure cristallographique ne nécessite de travailler qu’avec une seule longueur d’onde.

Diffraction de rayons X de laboratoire

L’architecture d’un appareil de laboratoire répond aux exigences du principe de diffraction :

(i) Le rayonnement doit avoir une longueur d'onde de l'ordre de la distance interatomique dans la matière qui est proche de 0,2nm. C'est pour cette raison que les rayons X sont utilisés, car ils possèdent une longueur d'onde de cet ordre de grandeur. Pour les obtenir, rien de plus simple quand on connaît le modèle de Bohr : la transition électronique entre un niveau excité et un niveau de plus basse énergie peut émettre des photons X. Il suffit simplement de choisir la bonne transition. Dans les appareillages classiques, on bombarde un matériau cible avec des électrons de forte énergie. Des électrons du cortège électronique de la cible sont excités, et par désexcitation émettent des rayons X. Les cibles le plus souvent utilisées sont le cuivre, le fer, le cobalt ou le molybdène qui produisent des photons de longueurs d'onde respectives 0,154nm - 0,179 nm – 0,161nm – 0,071nm. Des filtres en sortie de la source sont utilisés pour éliminer les photons émis par d'autres transitions.

(ii) Etant donné que le phénomène de diffraction dépend de l'angle du faisceau avec l'échantillon, il est nécessaire que la direction du faisceau incident de rayons X soit bien définie. Le faisceau est donc collimaté pour que sa divergence soit faible.

(iii) La condition de diffraction fait intervenir les angles entre la normale au plan cristallographique cherché et le faisceau incident, et le faisceau diffracté ressort avec le même angle. L'échantillon ainsi que le détecteur doivent donc pouvoir être mobiles par rapport à la direction du faisceau incident. Ainsi lors d'une mesure d'un échantillon inconnu, il faut pouvoir balayer tous les angles dans l'espace et mesurer l'intensité sur le détecteur pour chaque angle. Les mouvements sur ces appareils sont donc plus ou moins sophistiqués, apportant plus ou moins de degrés de liberté. La plupart du temps l'échantillon et le détecteur sont montés sur des cercles, comme des goniomètres. Les appareils les plus simples peuvent ne contenir que 2 cercles. On peut trouver des appareillages très sophistiqués allant jusqu'à 7 cercles par exemple. Sur la figure suivante est montré un appareillage commercial de laboratoire récent, avec les différentes parties de l'appareil. Est également montré un spectre typique de diffraction de rayons X sur un monocristal (c'est-à-dire que l'ordre cristallin est parfait sur tout la taille de l'échantillon).

Cliché Institut Jean Lamour- Nancy
Cliché Institut Jean Lamour- Nancy
Exemple de spectre de diffraction mesuré en θ−2θ obtenu sur un film monocristallin d'alligae fer – nickel déposé sur un substrat monocristallin d'oxyde de magnésium MgO. Les pics donnent via la loi de Bragg la distance entre les plans atomiques parallèles au plan de l'échantillon
Exemple de spectre de diffraction mesuré en θ−2θ obtenu sur un film monocristallin d'alligae fer – nickel déposé sur un substrat monocristallin d'oxyde de magnésium MgO. Les pics donnent via la loi de Bragg la distance entre les plans atomiques parallèles au plan de l'échantillon
Diffraction de rayons X et synchrotron

Comme nous l’avons vu en exercice, l’intensité diffractée dépend du facteur de diffusion, qui rend compte de la capacité de tel ou tel élément chimique de diffuser le rayonnement. Dans le cas des rayons X, le mécanisme de diffusion peut s’expliquer par l’excitation de l’électron par le champ électromagnétique du photon X. Cet électron va ainsi réémettre un rayonnement de même fréquence (rayonnement et équation de Maxwell) ce facteur de diffusion étant directement lié au nombre d’électrons. On comprend alors intuitivement que le facteur de structure pour les rayons X dépend du nombre d’électrons de l’élément chimique. De même, si la fréquence des rayons X s’approche d’une fréquence caractéristique de l’élément chimique, égale à la différence entre deux niveaux d’énergie, il peut y avoir résonance. On voit donc immédiatement apparaître le grand intérêt d’effectuer des expériences de diffraction avec un synchrotron : outre que la puissance du rayonnement synchrotron est bien plus grande qu’un appareillage de laboratoire, la large étendue en fréquence du rayonnement permet d’obtenir en plus de la sélectivité en site dans le cristal via la diffraction, une sélectivité également chimique en se plaçant sur un seuil de résonance. La figure suivante montre le diffractomètre 6 cercles de la ligne DIFFABS du synchrotron SOLEIL.

Laboratoire Soleil
Laboratoire Soleil
Diffraction de neutrons

Le principe est le même que la diffraction de rayons X, si ce n’est que cette fois le facteur de diffusion n’est pas lié au cortège électronique mais au noyau. C’est tout l’avantage des neutrons par rapport aux rayons X, car si les facteurs de diffusion de rayons X sont proches pour deux éléments voisins dans le tableau de Mendeleïev, il en est tout autrement avec les neutrons. De même, les rayons X ne sont pas sensibles aux isotopes, alors que les neutrons oui. Ainsi, le facteur de diffusion est différent pour l’hydrogène ou le deutérium, atomes au même nombre d’électrons mais au nombre de nucléons différent. Le marquage isotopique dans une molécule est donc une technique utilisable en diffraction de neutrons au contraire des rayons X. Un autre énorme avantage des neutrons est qu’ils portent un moment magnétique intrinsèque au contraire des rayons X. Ils sont donc sensibles au magnétisme de la matière. La diffraction magnétique des neutrons a donc été et est toujours largement utilisée pour l’étude du magnétisme dans la matière, même si les nouvelles sources de rayonnement synchrotron permettent maintenant certaines analyses magnétiques. Malgré ces avantages des neutrons par rapport aux rayons X, il faut noté que le flux de neutrons obtenu est beaucoup plus faible que le flux de photons d’un synchrotron. Il faut donc une quantité de matière importante pour autoriser une étude (aux alentour du mm3), parfois incompatible avec des objets d’étude de très petite taille (de l’ordre de quelques nanomètres par exemple). Les sources de neutrons sont des réacteurs nucléaires, capables d’émettre de grande quantité de neutrons chauds en sortie de réacteur. Ils sont ensuite thermalisés dans l’eau afin d’obtenir les longueurs d’onde voulues, puis acheminés dans des guides vers les stations expérimentales disposées autour du réacteur. Un exemple d’architecture de réacteur de neutrons est donné sur la figure ci-après. En France, il existe deux réacteurs de neutrons ouverts à la communauté internationale, l’un situé à Saclay près du synchrotron SOLEIL, appelé le LLB (Laboratoire Léon Brillouin), et l’autre à Grenoble, appelé ILL (Institut Laue Langevin). Sur la figure est représenté une coupe du réacteur de neutrons au LLB.

Coupe du réacteur de neutrons de SACLAY (schéma LLB)
Coupe du réacteur de neutrons de SACLAY (schéma LLB)[Zoom...]

2 - La Microscopie Electronique en Transmission

Le phénomène de diffraction peut également être utilisé pour visualiser la matière à l’échelle atomique. On utilise alors non pas des photons (vous savez par exemple que la limite de résolution d’un microscope optique est limité par sa longueur d’onde), mais des électrons qui peuvent être produits avec des longueurs d’onde très petites augmentant ainsi le pouvoir de résolution. A part cette différence, il existe une certaine analogie entre le microscope électronique en transmission et le microscope optique à lumière directe. Le microscope électronique en transmission utilise ainsi comme rayonnement des électrons. Un système de lentilles magnétiques permet de dévier ou focaliser le rayon d'électrons sur un échantillon "extrêmement fin". L'image (ou cliché de diffraction) obtenue peut être vue sur un écran fluorescent, enregistrée sur un film photographique ou bien détectée par un capteur CCD.

Schéma et cliché CEMES - Toulouse
Schéma et cliché CEMES - Toulouse

Les électrons traversent l’échantillon et interagissent avec lui. Une lentille électromagnétique, appelée lentille objectif, placée derrière l’échantillon (lui-même situé dans le plan objet de cette lentille) joue ensuite un double rôle sur les électrons diffusés : elle produit une image agrandie et renversée de l’échantillon (objet) dans son plan objet arrière ainsi qu’un cliché de diffraction dans son plan focal arrière.

Il en résulte que le microscope électronique en transmission a deux principaux modes de fonctionnement selon que l'on projette sur l'écran d'observation soit le plan objet (mode image), soit le plan focal arrière (mode diffraction) :

Mode image :

Suivant l'épaisseur, la densité ou la nature chimique de l'échantillon, les électrons sont plus ou moins absorbés et déviés. En sélectionnant certains électrons qui ont traversé l'échantillon, on introduit un contraste dans l'image obtenue.

Mode diffraction :

Ce mode utilise le comportement ondulatoire des électrons (onde de Broglie). Lorsqu'ils rencontrent de la matière organisée (des cristaux), ils vont donc être diffractés, c'est-à-dire déviés dans certaines directions dépendant de l'organisation des atomes. Le faisceau est diffracté en plusieurs petits faisceaux. L'exploitation des clichés de diffraction renseigne sur la structure de la matière.

Un exemple de clichés de diffraction est présenté ci-dessous : il s’agit d’un cristal cubique, orienté selon la diagonale du cube, qui possède une symétrie d'ordre 3. A partir d'un tel cliché, on peut remonter à une image donnant l'arrangement de la matière (cliché ci-dessous).

Cliches Institut Jean Lamour
Cliches Institut Jean Lamour
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