Quel est le rôle de l'imagination dans l'expérience de pensée ?
Le rôle de l'imagination dans l'expérience de pensée est pourtant un sujet controversé. Certains auteurs, comme Tamar Gendler, lui accordent un rôle central, alors que d'autres, comme John Norton, considèrent que l'expérimentateur de pensée pourrait et devrait s'en passer complètement, l'imagination étant ici source d'erreur. Toutefois, le rôle précis joué par l'imagination dans l'expérience de pensée reste à clarifier. La plupart des auteurs font appel à l'imagination comme le moyen par lequel l'expérimentateur de pensée accède à un scénario qui n'est pas directement accessible à ses sens : il est en situation de quasi-observation, plus que d'observation proprement dite. Néanmoins, ce pourrait ne pas être la seule implication de l'imagination dans l'expérimentation de pensée. L'on pourrait soutenir que le rôle principal de l'imagination dans ce contexte est de fournir à l'expérimentateur de pensée un chemin épistémique vers une hypothèse spécifique (à savoir que la vitesse d'un corps en chute n'est pas proportionnelle au poids, dans le cas de Galilée, et que les significations des mots ne sont pas dans nos têtes, dans le cas de Putnam), ce chemin n'étant pas nécessairement de nature quasi-observationnelle ou quasi-perceptuelle. Cette idée est suggérée par d'autres auteurs, qui considèrent que des formes non-perceptuelles de l'imagination sont engagées dans l'expérimentation de pensée.
L'imagination est une capacité mobilisée par différentes activités mentales, comme l'appréciation et la création des œuvres d'art ou le raisonnement modal ou contre-factuel. Or, qu'est-ce qui distingue l'expérience de pensée d'autres opérations mobilisant l'imagination ?
Cette question n'est jamais explicitement formulée dans la littérature. Si certains auteurs voient dans les expériences de pensée du raisonnement logique et spécifiquement modal, d'autres lient l'expérience de pensée à la consommation de la fiction et considèrent les expériences de pensée en tant que genre littéraire, à l'instar de la science-fiction.
Sans doute les expériences de pensée constituent-elles des exercices complexes de l'imagination, à distinguer d'une simple conjecture (par exemple celle que les significations des mots ne sont pas dans nos têtes) ou d'une simple visualisation (menée, par exemple, pour déterminer si pendre un mur vert brillant va jurer avec le tapis). Les expériences de pensée sont des exercices de l'imagination qui ont des traits très similaires aux expériences ordinaires (qu'on peut appeler « réelles »). La méthode de la variation, ainsi nommée par Ernst Mach, semble rapprocher les deux typologies d'expérimentation, car dans les deux cas nous aurions trois phases :
sélection et isolement des caractéristiques qui servent comme variables,
« manipulation » ou interaction des variables,
observation de ce qui se produit.
Bien que menées dans ou à travers notre imagination, les expériences de pensée, comme les expériences réelles, sont une source de connaissance.