La notion de paradigme de T.S. Kuhn

Le concept de paradigme exposé par Thomas S. Kuhn dans la structure des révolutions scientifiques a été considéré par beaucoup d'auteurs comme un concept relativiste, même si Kuhn lui-même a rejeté cette étiquette.

Un paradigme n'est pas réductible à une théorie ni même à un ensemble de théorie, il inclut bien sur des théories mais également des manières de poser des bonnes questions, des techniques permettant de répondre à ces questions et les croyances métaphysiques d'arrière-plan qui sont partager par les membres d'une collectivité scientifique à un moment donné de l'histoire

Selon Kuhn les paradigmes seraient incommensurables, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas entre eux de communes mesures.

De quelle incommensurabilité parle-t-on ? il y a tout d'abord une incommensurabilité sémantique, les scientifiques ne donne plus le même sens aux mots, les mots n'ont plus le même sens d'un paradigme à l'autre, il y a d'autre part une incommensurabilité des visions du monde, les scientifiques ne vivent plus dans le même monde car les bases de données dont ils disposent ne sont plus les mêmes puisque les données sont chargées elles-mêmes de théories, Kuhn le dit, les scientifiques travaillant dans des paradigmes différents vivent dans des mondes différents.

Les conséquences sont énormes, s'il n'est pas possible de comparer deux paradigmes, on ne voit pas très bien ce qui peut justifier rationnellement le fait qu'un scientifique choisisse de passer d'un paradigme à un autre, d'autre part la notion de progrès scientifique elle-même s'effondre.

Les opposants s'en souvent pris à l'idée d'incommensurabilité des paradigmes, une première question se pose : cette incommensurabilité est-elle globale ou partielle ? Kuhn lui-même a varié un peu sur ce point, la thèse d'une incommensurabilité globale repose sur l'idée du holisme sémantique, c'est l'idée que tous nos concepts sont interconnectés les uns avec les autres, changer le contenu d'un concept a pour effet de modifier le contenu de tous nos concepts, dans cette perspective pour un paradigme donné, il faut tout laisser ou tout prendre, contre l'argument de l'incommensurabilité globale Donald Davidson propose un argument qui est celui de la situation d'interprétation radicale, pour lui un concept peut changer de contenu mais ce changement est toujours partiel, il s'effectue sur l'arrière-plan d'une majorité de concepts qui restent stables.

Supposons que nous soyons confrontés à des locuteurs d'une langue dont nous ne savons rien et dont nous ignorons les croyances, Davidson nous recommande d'adopter un principe de charité interprétative, premièrement nous devons supposer que ce que disent ces locuteurs est vrai, il y a une adéquation entre leurs croyances et la réalité, deuxièmement nous devons considérer les locuteurs comme cohérents et rationnels, il faut présupposer que les croyances de ces locuteurs sont globalement en accord avec les nôtres et qu'elles sont vraies, sinon nous ne pourrions pas utiliser nos propres croyances les concernant pour les comprendre, il n'y a pas d'incommensurabilité radicale selon Davidson mais seulement des différences sur un fond commun et Davidson écrit à ce propos, quand Whorf veut démontrer que le Hopi englobe une métaphysique si étrangère à la nôtre qu'on ne peut comme il dit calibrer le Hopi et l'anglais, il utilise l'anglais pour véhiculer les contenus d'un exemple de phrase Hopi, pour Davidson le relativiste a donc tort, il n'y a pas d'impossibilité de traduire une langue dans une autre et il n'existe pas de schème conceptuel totalement disjoint, Davidson récuse la possibilité même d'une incommensurabilité globale.

Un autre argument critique à l'égard d'une idée d'une incommensurabilité entre paradigme a été développé par les philosophes de l'expérimentation et en particulier par le plus fameux d'entre eux Ian Hacking dans son ouvrage de 1983 « Representing and Intervening », selon Ian Hacking l'expérimentation a une vie propre, les pratiques des expérimentateurs ont une dynamique autonome par rapport aux théories, par exemple l'expérimentateur n'a pas besoin de prendre part aux débats qui ont cours relativement à la théorie correcte des électrons, on peut manipuler des électrons en construisant des appareils en particulier des microscopes électronique qui utilisent des effets bien connus des électrons, le fait qu'on peut les manipuler constitue selon Hacking la meilleure preuve de leurs existences.

L'expérimentateur peut ainsi rester neutre, quand à la discussion entre les partisans de la mécanique quantique classique et les partisans du David Bohm qui affirme que l'électron a une position précise que nous ignorons.

Tout ce dont l'expérimentateur a besoin, c'est d'une description minimale neutre du référent, le fait même qu'il existe une telle description minimale neutre du référent permet d'affirmer qu'il n'existe pas d'incommensurabilité entre deux théories du point de vue de l'expérimentateur.

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