Le fictionnalisme ou la philosophie du « comme si »
Le fictionnalisme s'est développé à partir de 1911, à partir de l'ouvrage de Hans Vaihinger « La philosophie du comme si », je vais tout d'abord vous montrer l'intérêt de ce courant philosophique à partir d'un certain nombre de paradoxe qu'il prétend résoudre.
Ces paradoxes interviennent dans divers champs, dans le champ de l'esthétique, dans celui de la religion, dans celui enfin de la connaissance et de la science.
Le premier paradoxe c'est ce qu'on appelle le paradoxe de l'émotion esthétique, on peut présenter ce paradoxe de la manière suivante, si un ami par exemple me raconte ses malheurs, me dit il m'est arrivé une chose épouvantable, j'ai eu un accident, ma femme m'a quitté, et cetera... on va être ému, on va éprouver de la compassion, mais si aussitôt après cet ami nous dit , non, non, c'est une blague, j'ai inventé, c'est faux, là la compassion va céder la place à la colère, à l'indignation, et on va cesser d'éprouver une quelconque émotion à l'égard de son récit, cet exemple semble indiquer que pour avoir des émotions, il fait croire à la réalité de ce que l'on nous relate, il faut croire que les éléments relatés sont réels, ors le paradoxe de l'expérience esthétique, de l'émotion esthétique c'est précisément que bien que nous sachions avoir affaire à des fictions, néanmoins nous sommes émus, je sais très bien qu'Anna Karénine est un personnage fictionnel par exemple et pourtant au moment où elle va se suicider, j'éprouve une tristesse, je peux même pleurer, et cetera... c'est-à-dire que dans l'expérience esthétique nous avons des émotions vives alors même que la situation, alors même que nous savons très bien que la situation, que le personnage est fictionnel, ça c'est un premier type de paradoxe.
Il y a un deuxième type de paradoxe qui concerne l'expérience religieuse, c'est-à-dire que certains chrétiens disent qu'ils ont une expérience religieuse ou même une ferveur alors qu'ils doutent de l'existence de Dieu ou encore ils ne croient pas que Dieu existe et que son fils Jésus nous a sauvés, donc c'est paradoxal dans la mesure où l'on se demande comment peut-on prétendre avoir une expérience religieuse indépendamment de la foi, comment c'est possible.
Le troisième type de paradoxe, c'est un paradoxe qui concerne la connaissance et qui est assez classique et que souvent pour atteindre la vérité, pour atteindre un résultat vrai, on utilise des fictions, ors en apparence une fiction, c'est quelque chose d'irréelle ou de faux et on peut se demander comment c'est possible d'obtenir un résultat juste tout en utilisant des constructions qui n'ont pas de valeurs de vérité, par exemple en mathématique on va utiliser l'infinitésimal qui est une pure fiction, l'infinitésimal c'est une grandeur plus petite que toute grandeur donnée, ça n'existe pas, on peut toujours imaginer concevoir une grandeur plus petite qu'une grandeur donnée, donc on atteint jamais l'infinitésimal, pourtant c'est un outil qu'on utilise en mathématique pour résoudre un certain nombre de problème et pour atteindre un résultat correct.
Le fictionnalisme est précisément une théorie philosophique qui prétend apporter un élément de réponse à ces paradoxes et nous verrons bien sûr que ces éléments de réponses sont contestables, critiquables, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle depuis une trentaine d'années il existe un débat notamment en philosophie analytique entre les partisans du fictionnalisme, alors dans le domaine esthétique par exemple Kendall Walton, dans le domaine de la philosophie de la religion on peut citer Don Cuppit ou encore Robin Le Poidevin et dans le domaine de la théorie de la connaissance et de la philosophie des sciences on peut citer Bas Van Fraassen qui d'une certaine manière a repris la thèse fictionnaliste de Vaihinger.
Alors qu'est-ce que c'est que le fictionnalisme, c'est d'une part la théorie qui considère que nous avons besoin de fiction pour mener à bien certaines opérations ou pour avoir certains types d'expériences, par exemple dans le domaine esthétique, Kendall Walton qui est un théoricien de l'art et de l'émotion esthétique explique, essaye de résoudre le paradoxe des émotions en utilisant l'expression de Vaihinger « Faire comme si ».