Le « faire comme si », l'émotion esthétique et l'expérience religieuse
Lorsque nous sommes devant l'écran au cinéma ou lorsque nous lisons un roman, nous faisons comme si nous étions les témoins des événements qui nous sont présentés, c'est-à-dire que le spectateur, le lecteur doit pour entrer dans le film, dans le roman et accéder aux émotions faire comme si les événements qui étaient relatés étaient vrais, mais il sait très bien que c'est une fiction mais toutefois il faut qu'il se mette dans cette situation psychologique de témoin.
Alors ça suppose bien sur de la part de l'artiste certaines conditions, par exemple au théâtre il faut que l'acteur joue bien, si l'acteur joue mal on ne va pas pouvoir entrer dans le récit, on ne va pas y croire, mais cela suppose aussi de la part du spectateur la volonté d'entrer dans l'histoire, d'entrer dans le film pour pouvoir se mettre dans la disposition psychologique nécessaire à l'accès aux émotions et donc Kendall Walton considère que dans cette situation nous utilisons par exemple au cinéma, nous utilisons les images sur l'écran comme ce qu'il appelle des propres, c'est-à-dire des supports pour des jeux d'imagination, comme des supports nous allons imaginer que nous sommes à la place du personnage et nous allons éprouver tantôt la joie, tantôt l'inquiétude, tantôt la peur, et cetera...
C'est donc un usage de l'imagination bien particulier, il ne s'agit pas forcément d'imaginer quelque chose, mais il s'agit de feindre, c'est-à-dire de traiter les images sur l'écran comme si c'était des événements réels et de manière générale le faire comme si tel que l'avait thématiser Vaihinger consiste précisément en cela, faire comme si, c'est traiter A comme B tout en sachant que A n'est pas B, en l'occurrence je sais très bien que ce sont que des ombres sur un écran, mais je fais comme si c'était des événement réels auquel j'ai assisté, et ceci explique d'ailleurs, souligne Kendall Walton la nature de l'émotion esthétique.
L'émotion esthétique est bien particulière, elle est tout à fait différente de l'émotion que nous éprouvons dans la vie réelle, c'est pourquoi il appelle les émotions esthétiques des quasi émotions.
Quelle est la différence ? Au cinéma par exemple, si j'assiste à une scène de violence, un bandit qui attaque un enfant, je ne vais pas intervenir dans la scène, c'est-à-dire que l'émotion est en quelque sorte coincée, elle n'est pas suivie de réaction, dans la vie ordinaire par exemple si nous avons peur, nous pouvons soit prendre la fuite, soit affronter le danger, notre émotion va enclencher une réaction, une intervention dans l'événement qui la provoque, tandis qu'au cinéma nous ne pouvons pas interagir ou intervenir dans le cours des événements, c'est donc une émotion non suivi de réaction, c'est ce qu'il appelle une quasi émotion.
Voilà de quelle manière Kendall Walton à partir de l'expérience du comme si, du faire comme si, essaye de résoudre le paradoxe de l'émotion esthétique.
On trouve chez des auteurs comme Don Cuppit et Robin Le Poidevin une tentative pour essayer de rendre compte de cette forme d'expérience religieuse paradoxale qui consiste à dire, j'ai une ferveur, je mène une vie religieuse, j'accède à des émotions religieuses sans pour autant croire que Dieu a existé ou que Jésus a existé, alors Robin Le Poidevin par exemple rend compte de cette expérience en disant que le chrétien peut très bien utiliser les textes du nouveau testament par exemple comme s'il s'agissait d'un roman, c'est-à-dire ce qui est essentiel dans l'expérience religieuse c'est les sentiments qu'on va pouvoir éprouver à la lecture de ces textes ou encore les projets humanitaires ou autre que ce genre de texte peut nous donner envie d'accomplir, c'est-à-dire les textes religieux servent à donner un sens à notre existence, à stimuler certains sentiments positifs de fraternité, de charité et c'est ça qui définit essentiellement la vie religieuse le fait que Dieu existe ou non n'est pas un élément essentiel déterminant pour ce type d'expérience, alors on verra tout à l'heure que cette réponse au paradoxe de l'expérience religieuse est contestable et a subit récemment de vives critiques notamment de la part de Roger Pouivet dans son livre sur l'épistémologie des croyances religieuses.