Critique du fictionnalisme

Le réalisme, c'est la théorie qui consiste à dire d'une part qu'il existe des choses en dehors de notre représentation, le monde ne se réduit pas à notre représentation, c'est-à-dire aux idées que nous en avons, des sensations que nous en avons, et deuxièmement le réaliste considère que par la connaissance, par une connaissance bien conduite nous pouvons parvenir à connaître les choses telles qu'elles sont, à connaître les véritables propriétés des choses.

Un réaliste comme par exemple Hilary Putnam dans son livre « la philosophie de la logique » s'est attaqué à Vaihinger, à la théorie de Vaihinger en disant qu'elle n'était pas rationnelle, pourquoi ? Parce que dès lors qu'une théorie a fait ses preuves, dès lors qu'une théorie m'a permis de faire des prévisions correctes, qu'est-ce qu'il faudrait de plus ? Quelle raison supplémentaire, quel argument supplémentaire faudrait-il de plus pour la déclarer vraie ? C'est-à-dire il est plus rationnel de faire confiance ou de considérer comme vrai une théorie une fois qu'elle a permis de faire des prédictions justes plutôt que de se contenter de lui donner un statut fictionnel.

Sur ce point-là, il y a eu un débat entre Bas van Fraassen dans son ouvrage de 1981 « The Scientific Image » dans lequel Bas van Fraassen cherche à défendre la perspective de Vaihinger contre celle de Putnam en défendant l'idée que nos outils théoriques sont avant tout des fictions utiles qui ne peuvent pas prétendre posséder une valeur définitive de vérité, alors sur ce point, on peut peut-être penser que c'est une question de mots, c'est-à-dire, on pourrait très bien dire le mot vraisemblable pourrait peut-être faire la synthèse entre les deux positions, c'est-à-dire ce que refuse Bas van Fraassen comme Vaihinger c'est l'idée d'une vérité au sens d'une correspondance, un terme à terme, une adéquation entre la loi ou entre la théorie et la réalité parce qu'ils intègrent le processus dynamique de la science, en même temps dans la vie de tous les jours, on va appeler vrai quelque chose qui a été fiable jusqu'à présent, ça ne veut pas dire que cette croyance ou cette théorie ne sera pas un jour remise en question ou du moins atténuée par des cas nouveaux, donc c'est un débat qui est toujours actuel qui oppose le réalisme et le fictionnalisme, mais peut-être qu'il est possible de trouver une manière de surmonter l'opposition, moi je pense par exemple à Karl Popper quand il parle de vérisimilitude, c'est-à-dire une théorie qui jusqu'à présent a été corroborée par l'expérience, on peut dire qu'elle ressemble à la vérité, peut-être que là, ce serait une manière de surmonter l'opposition entre les fictionnalistes qui disent qu'on ne peut pas parler de vérité absolue et les réalistes qui disent qu'on a pas d'autres moyens de justifier la vérité d'une théorie que son caractère vérifiable, on a aucune raison de ne pas la nommer vraie si elle a été jusqu'à présent vérifiée.

Concernant le paradoxe de l'émotion esthétique par exemple, il y a des auteurs qui ne sont pas du tout d'accord avec le fictionnalisme, avec la théorie selon laquelle pour pouvoir accéder aux émotions, nous devons faire comme si les images se projetaient sur l'écran, étaient des scènes dont nous sommes les témoins, pour un auteur par exemple comme Gregory Currie qui s'est opposé à la théorie de Walton, l'accès aux émotions ne passe pas du tout par ce jeu de faire comme si ou du moins pas tel que le présente Walton, c'est-à-dire que pour lui l'accès aux émotions passe par l'empathie et Gregory Currie considère que de la même manière que quelqu'un qui va entrer en empathie avec lui, quelqu'un qui raconterait ces malheurs par exemple, on va entrer en empathie avec lui, si on est touché, de la même manière un personnage de fiction on peut très bien entrer en empathie avec lui dès lors que l'on se projette, dès lors que l'on imagine être à sa place, je vais imaginer être à la place du personnage qu'il soit réel ou fictionnel peu importe et cette projection va me permettre à la faveur de l'empathie d'accéder à certaines émotions, mais là on voit bien qu'il y a un faire comme si qui intervient, je fais comme si j'étais à la place de l'autre pour accéder aux émotions, le faire comme si, la feintise ne porte pas du tout sur la même chose, je feins être à la place d'autrui, ça ne revient pas du tout à dire, je feins ou je fais semblant d'être le témoin des scènes qui sont projetées sur l'écran.

Concernant l'expérience religieuse, on peut très bien dire que cette expérience n'a pas grand-chose de religieux, c'est la thèse que l'on trouve dans l'ouvrage de Roger Pouivet, c'est-à-dire prétendre à posséder une expérience religieuse alors que l'on n'a pas la foi, alors que l'on ne croit pas que Dieu existe et que l'on ne le considère pas comme une personne digne de confiance, c'est une forme d'expérience certes, on peut très bien épouser, adhérer aux valeurs du christianisme, s'engager dans des actions humanitaires, on peut même avoir une vie paroissiale, et cetera, mais on ne peut pas à proprement parler de religion puisque la religion suppose un lien personnel entre Dieu et nous, donc dans cette conception, celle de Roger Pouivet, il y a un abus de langage à parler d'expérience religieuse dans le cadre d'une conception fictionnaliste, dans ce qu'il appelle le finctionnalisme théologique, conception fictionnaliste qui consiste à dire l'intérêt de la religion, ce sont les textes, les pratiques qui donnent sens à notre vie indépendamment de leurs origines divines ou non, parce qu'après tout pourquoi prendre au sérieux un texte sacré si après tout il a la même valeur qu'un roman, pourquoi le prendre au sérieux si on ne reconnait même pas qu'il a une valeur sacré, qu'il exprime la volonté de Dieu, on tombe sur un certain nombre de difficultés dès lors que l'on a une approche purement finctionnaliste de l'expérience religieuse.

Les paradoxes que je viens de présenter suscite un débat qui est toujours actuel et vivant entre les réalistes et les fictionnalistes, on peut explorer ces paradoxes à partir des auteurs que j'ai indiqué mais d'autres également, ainsi que dans d'autres champs que ceux que j'ai cité comme le droit par exemple.

ImprimerImprimer