Comment peut-on produire une nouvelle connaissance à partir de données anciennes ?

En effet, quelle que soit la définition d'expériences de pensée, presque tous les auteurs impliqués dans le débat s'accordent à considérer les expériences de pensée en tant qu'outils épistémiques, qui impliquent l'imagination afin de fournir des intuitions sur certaines hypothèses ou sur une théorie concernant le réel. Pourtant, le fait que les expériences de pensée produisent de nouvelles connaissances a été tenu pour paradoxal. Les expériences de pensée, contrairement aux expériences réelles, ne sont pas en contact direct avec le monde, qui est source de nouvelles données. Elles ne peuvent, donc, qu'utiliser d'anciennes données, emmagasinées dans l'esprit de l'expérimentateur de pensée. Mais comment peut-on produire une nouvelle connaissance à partir de données anciennes ?

Pour tenter de répondre à cette question, plusieurs analyses des expériences de pensée ont été avancées à partir des années 90 jusqu'à ce jour. D'après James Brown il n'y aucun paradoxe si les expériences de pensée sont vues comme une source de connaissance a priori et indépendante de l'expérience. Une classe d'expériences de pensée au moins serait ainsi, et l'expérience de Galilée en ferait partie. Les expériences de pensée comme celle de Galilée ne sont ni fondées sur des données empiriques nouvelles, ni simplement déduites des données anciennes et nous permettraient de « voir » les lois de la nature.

Selon John Norton, par contre, la pensée pure est totalement incapable de produire de la connaissance nouvelle et elle ne peut que transformer ce qu'elle possède déjà. L'expérience de pensée de Galilée n'est rien qu'un bon argument logique, un raisonnement par l'absurde qui montre la fausseté d'une hypothèse aristotélicienne (la vitesse d'un corps en chute est proportionnel à son poids) en déduisant logiquement d'elle des conséquences absurdes (deux valeurs de vitesse différentes pour le même corps).

Au-delà de ces deux extrêmes il semblerait effectivement que les expériences de pensée expliciteraient de la connaissance inarticulée et non complètement organisée dans des cadres théoriques, mais en quelque sorte emmagasinée dans la mémoire et ré-élaborée par l'imagination. Même si l'on est bien loin de comprendre comment exactement l'on passe au niveau cognitif des états de l'imagination à des états de connaissance, grâce à ce procédé les anciennes données indiqueraient la direction à emprunter pour une connaissance nouvelle. Dans les cas de Galilée le résultat est négatif (la vitesse d'un corps en chute n'est pas proportionnel à son poids), mais il n'en reste pas moins informatif : c'était un premier pas vers d'autres expériences de pensée et réelles qui ont permis d'avancer une nouvelle théorie du mouvement (d'après laquelle la vitesse d'un corps est proportionnelle au temps et dans le vide tous les corps tombent avec la même vitesse).

Même dans le cas de Putnam le résultat est négatif pour qui soutient une théorie internaliste de la signification, car l'expérience de pensée de la Terre Jumelle montre que ce qu'un mot signifie dépend (aussi) du monde et pas (seulement) de l'esprit. Quoique cette expérience de pensée ne puisse pas justifier à elle seule le rejet d'une théorie internaliste et l'adoption d'une théorie externaliste de la signification, elle nous offre un point de départ inédit pour étudier à la fois la nature de la signification des mots et nos intuitions à ce sujet.

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